« Black lives matter » : les vies des Noirs comptent
Existe-t-il encore quelqu’un, hormis le Ku Klux Klan et quelques autres dingues, pour en douter ? J'ai été horrifiée par cette couverture de l'hebdomadaire américain Time, autant que je le serais si le texte était : « Les femmes sont les égales des hommes » ou tout autre tautologie du même tonneau. Présenter l’évident comme un sujet sur lequel on peut discuter est en fait une allusion -pas si voilée que ça- au fait que, pour un certain nombre de citoyens américains, les Noirs comptent moins que les Blancs, et qu’il convient de leur rappeler qu’ils se trompent.
Cette très maladroite couverture veut être un hommage à Walter Scott, un homme noir doté d’un nom très littéraire et d’un casier judiciaire un petit peu moins brillant, abattu samedi dernier avec huit balles dans le dos par un policier blanc qui a ensuite prétexté la légitime défense. Le texte entre les deux photos précise que "cette fois, le policier sera accusé de meurtre".
« Black lives matter ». Il s’agit paraît-il du slogan d’un mouvement de protestation qui remonte à 2013. Un policier blanc, qui avait tué Trayvon Martin, un adolescent noir qui n'avait rien fait de mal, fut déclaré innocent et retenu non coupable. Le verdict avait suscité une immense vague d'indignation aux États-Unis, surtout dans la communauté noire. Le président Obama avait tenu à exprimer son indignation, disant qu'il y a 35 ans, il aurait pu être Trayvon Martin .
Mais combien, parmi ceux qui ont vu la couverture de Time, auront compris qu’il s’agissait d’une citation? Très peu, je le crains, surtout en dehors des USA. Par contre, toute personne comprenant un peu l’anglais retiendra que le plus connu et le plus respectable des hebdomadaires américains a ressenti le besoin d’affirmer sur sa une que la vie des Noirs a son importance.
Combien s’en seront étonnés, combien s’en seront indignés ?