L'ESPOIR FAIT VIVRE... LA CÉCITÉ AUSSI ?
Silvio Berlusconi, que les Italiens ont pour la troisième fois choisi pour diriger leur pays, vient de présenter deux projets de lois. Si ces lois passent, la première gèlera pendant un an les procès «non prioritaires» et la seconde garantira l’immunité pénale aux quatre plus hautes personnalités de l'Etat italien. Or Il se trouve que Berlusconi est la seule de ces quatre «personnalités» à avoir des démêlés avec la justice. Il est d’ailleurs très pressé : il fait l’objet de huit convocations devant le juge… pour la seule période du 1er au 18 juillet 2008 !
Le plus stupéfiant dans cette affaire, ce n’est pas l’impudeur d’un bandit qui s’est donné les moyens de se jouer des lois au plus haut niveau possible, au nez et à la barbe de ses concitoyens, de l'Europe et du monde entier. Ce qui est étonnant -et inquiétant- c’est l’incroyable naïveté de ceux qui, pour la troisième fois, ont voté pour lui. «Nous étions nombreux à souhaiter assister au commencement d’un nouvelle ère politique» di le quotidien de Turin La Stampa*….
Mais comment, dieux du ciel, pouvait-il encore se trouver en Italie une seule personne pour croire, pour espérer que cette fois-ci, le Cavaliere aurait gouverné décemment ?
Berlusconi n’est en fait qu’un homme intelligent d’un cynisme inimaginable, qui sait depuis belle lurette que l’Italie ne sera jamais gouvernable, car elle est gouvernée de fait par au moins quatre grandes organisations criminelles : la mafia en Sicile, la camorra à Naples, la n'drangheta enCalabre, et la sacra corona unita dans les Pouilles. Malgré quelques arrestations aussi ponctuelles que spectaculaires, ces organisations n’ont jamais été vraiment inquiétées**. Et sachant que ni lui ni personne ne pourront jamais rien faire pour sortir l’Italie de son marasme, cet homme a décidé -simplement et cyniquement- de profiter de la situation pour se remplir les poches le plus vite possible et garantir, quoi qu’il arrive, un avenir serein à sa descendance. C’est la philosophie du «Après moi, le déluge», du «Se sauve qui peut».
Tout cela, les Italiens le savaient déjà: comment ont-ils pu penser une minute qu'un gouvernement Berlusconi serait, par intervention divine, devenu digne de ce nom, et aurait commencé à s’occuper d’eux et de leurs problèmes: sécurité, pouvoir d’achat, santé etc.
Pourtant, ils ont voté Berlusconi.
Ce n’est pas en France qu’une chose aussi inconcevable se produirait, n’est-ce pas ?
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* Article paru dans «Le courrier international» du 17-26 juin 08
** Pour vous faire une idée de ce qu’est la réalité italienne -au-delà des apparences et en dehors de tous les fantasmes- je ne peux que vous conseiller de voir d’abord «Les mains sur la ville» de Francesco Rosi, sorti en 1963 et, dès qu'ils sortiront, «Il divo» de Paolo Sorrentino et «Gomorra» de Matteo Garrone (inspiré du best-seller éponyme de Roberto Saviano), tous deux présentés au dernier Festival de Cannes. Vous pourrez ainsi vous faire une idée de l’évolution du pays dans les quarante-cinq dernières années…
Dessin de Vauro, paru dans DNews, Rome et publié dans le "Courrier international".
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