Une petite incursion «shopping», trois jours avant Noël, m’a apporté une surprise et une confirmation. La surprise c’est qu’un 22 décembre à 11 h. du matin, les magasins de l’avenue Jean Médecin étaient presque déserts. D’où vient ce prodige, quelle en est la cause ?
La confirmation, c’est qu’il ne fait guère de doute que le système ait touché le fond: un rapide coup d’œil aux marchandises exposées suffirait à convaincre les plus sceptiques. À de très rares exceptions près (Zara, Mango, HM, les Galeries Lafayette…), la laideur la plus abjecte règne partout. Courir les magasins de fringues aujourd’hui, c’est un peu Delikatessen en version textile: une plongée dans un univers glauque et sinistre, où le moche le dispute au vulgaire, dans une monotonie et une répétition qui évoquent de mystérieuses parthénogenèses.
Entrer dans une boutique équivaut à en avoir vu cinquante, tant leur camelote se ressemble. Et le plus inquiétant, c’est l’incommensurable tristesse qui se dégage de toutes ces vitrines identiques. Hier encore, strass et paillettes se contentaient d’être vulgaires et restaient festifs. Aujourd’hui ils sont sinistres: on en arriverait presque à se demander si les magasins d’État de l’ex-Allemagne de l’est n’auraient pas, par quelque génial tour de passe-passe, écoulé leurs vieux invendus sur nos comptoirs…
La profusion et la pléthore ont fini par engendrer le monstrueux et l’absurde : pour les fêtes de fin d’année, le chaland n’a que l’embarras du choix entre jeans artistiquement troués et usés jusqu'à la trame, sacs en veau glacé et nacré dont la seule ambition est d’avoir l’air d’être en skaï, cuissardes à talon aiguille capables de transformer la plus élégante des femmes en professionnelle du SM… Le secteur du grand luxe, il est vrai, a été en partie épargné par cette orgie de laideur (et encore…). Mais pour la grande majorité des femmes -celles qui comme vous et moi ont un budget à gérer- vouloir continuer à s’habiller avec un minimum de goût relève de la mission impossible, ou plutôt de la course au trésor.
La boucle est bouclée, le serpent se mord la queue, le règne de l’hyperconsommation a fini par s’autodétruire et générer son contraire: on ne peut qu’espérer que face à une telle implosion, les consommateurs d’hier se décident à ouvrir les yeux, retourner leur vieille veste... et entrer en résistance.
Bonjour Nathalie
La conséquence de l’implosion de l’hyperconsommation devrait nous conduire à une réunification globale où le partage sera un passage obligé. Ceci dit, il se pourrait bien que le changement radical qui nous pend au nez produise des frictions violentes. Les grands consommateurs ne sont pas tous conscients du phénomène et nous allons devoir user de beaucoup de compassion pour contempler ces êtres qui ont finalement besoin d’aide.
L’être humain a besoin de se différencier de la nature sauvage par un ornement qui finalement l’étouffe. Ce besoin est naturellement inscrit dans nos gènes qui véhiculent un processus d’évolution.
La seule façon qui me semble bonne en tant qu’adaptation à ce système, est le fait de jouer le jeu quoi qu’il arrive. L’idée du Jeu est peut-être même ce qui devrait être de plus sérieux. En jouant nous arrêtons le temps et ne vieillissons plus ou presque plus. Il n’y a donc rien de plus important que le jeu. Il ne s’agit pas de gagner au loto, mais de jouer pour rien, car c’est là qu’on y gagne le plus (d’où la notion utile de l’oracle).
Alors soyons sérieux et jouons !
Joyeuses fêtes
Jean-Marc
Rédigé par : JM | jeudi 24 déc 2009 à 13h26
RÉPONSE À JEAN-MARC: je veux bien jouer,mais pas à dépenser mes sous pour des jeans troués ou autres aberrations de ce genre. Il y a jeu et jeu,joueurs et joueurs: il va falloir choisir avec beaucoup d'attention à quoi jouer et avec qui.
P.S. À propos de votre tirage (hex.57 Pers.27)
Je n'ai rien trouvé qui vaille la peine d'être écrit, donc je m'abstiens. Par contre, ce tirage a répondu EXACTEMENT à une question que j'entendais poser au Livre, sur un sujet personnel qui me tient énormément à cœur: j'en suis restée BABA! D'où vient ce prodige, quelle en est la cause? Miracle de Noël ou clin d'œil de ce farceur de Yi Jing?
Rédigé par : Nathalie Chassériau | vendredi 25 déc 2009 à 23h47