Je pensais, naïvement, que les femmes -et les hommes- qui se font «tirer» la peau du visage le font pour pour tricher sur leur âge : une intervention bien faite est censée vous enlever dix ans au compteur. Je pensais également que ce geste doit être une source de stress continuel : c’est bien joli de «faire» beaucoup plus jeune, encore faut-il être à la hauteur de l’enjeu. Non seulement tout le reste doit suivre (minceur, agilité, tonus musculaire, énergie….) mais il faut désormais surveiller tout ce qu’on dit. Plus question par exemple de faire la moindre allusion à ses enfants, ces judas révélateurs: une femme qui «fait» 48 ans au lieu de ses 58 peut difficilement avouer un fils de 35… Aux oubliettes, la progéniture! Quant à la conversation, la plus anodine se transforme en parcours du combattant sur terrain miné. Toute référence générationnelle est interdite à la liftée, qui risquerait de se trahir avec une seule allusion à Sheila ou au twist, aux barricades de mai 68, à tel film ou à tel livre, alors que pour son interlocuteur, elle n’avait que huit ou dix ans à l’époque…
J’en avais donc conclu que la vie sociale et amoureuse de la liftée est, sinon un enfer, du moins une comédie perpétuelle. Je sais maintenant que c’est surtout un leurre.
Il suffit de deux clics sur Google pour connaître l’âge d’une personne. Je m’en suis aperçue en cherchant l’adresse d’une amie de fac américaine qui vient de m’appeler de Chicago après… plus de quarante ans. Dans l’enthousiasme de ces retrouvailles téléphoniques, j’avais oublié de lui demander son adresse. Je suis donc allée sur Google, ai tapé «Chicago Phone Directory», puis cliqué sur les «Official White pages». J’ai ainsi découvert qu’elle est sur liste rouge. Le seul renseignement fourni par les Pages Blanches est son âge: 61 ! Un autre clic et j’ai découvert l’âge de son mari : 65.
Fascinante époque où la vanité humaine conduit à se soumettre à de coûteuses (et parfois hasardeuses) opérations en anesthésie générale, à devenir accro aux injections -de botox, de graisse plus ou moins baladeuse, de collagène…- pour faire croire aux autres qu'on a dix ans de moins. Alors que n’importe qui peut, en deux clics, être renseigné sur la vérité. Il est donc légitime de se demander: tout ça pour ça?
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