«Chacun voit midi à sa porte», chacun interprète la réalité avec ses propres filtres. En face du même objet ou de la même situation, nous voyons tous quelque chose de différent: c’est ce que ce dessin de Max Escher* illustre, en le simplifiant, vu qu’il n’y a que deux visions possibles: le bateau ou le poisson. Peut-être trois en fait, car certains pourraient voir des vagues en lieu et place des nageoires du poisson.
Mais au-delà de la vision immédiate, les interprétations sont multiples: est-ce un poisson gigantesque en train de dévorer le bateau, ou le bateau d'un pêcheur qui ne pense qu'à une chose: prendre le plus gros poisson de sa vie? À moins que la tempête ne fasse chavirer le bateau, auquel cas le pêcheur risquerait là aussi d'être mangé par de voraces poissons... Et à propos, où est-il passé? Le pêcheur s'est-il noyé, ou a-t-il déjà été dévoré? Si vous vous amusez à montrer ce dessin à dix personnes et leur demandez ce qu'elles voient et ce qu'elles déduisent de ce qu'elles voient, vous aurez probablement dix interprétations différentes.
Escher était un spécialiste de ces dessins à motifs imbriqués et à double -parfois triple- lecture. Dans ce cas précis, on peut penser que ceux qui voient d’abord le poisson sont plus intéressés par ce qui se cache sous la surface des choses. Alors que ceux qui voient d’abord le bateau tendent à s’arrêter à l’évident, à l’extérieur, à l’immédiatement perceptible. Quant à ceux qui verraient d'abord les vagues... ne tendraient-ils pas à chercher la petite bête?
Les dessins d’Escher suggèrent aussi que tout phénomène a -au moins- une double face. Ombre et lumière, bon et mauvais, beau et laid: il y a toujours une autre façon de regarder quelque chose, ou quelqu’un. S'efforcer d'aller au-delà de la première impression pour chercher la vérité des phénomènes peut s'avérer utile: comme par exemple si l'on croit voir un serpent, qui en réalité est un bout de corde. Ou un chapeau, alors qu'il s'agit d'un serpent. Ou une fée, qui se révèle être une harpie...
*Escher-Visions Éd. Seuil
Commentaires