Il est vrai que le maître des lieux, le grand écrivain japonais Akira Yoshimura, est mort il y a quatre ans: l’ordre parfait qui règne dans son bureau pourrait donc être attribué à sa veuve (Setsuko Tsumura, elle aussi écrivaine). Mais pour qui passe ses journées à écrire, cette photo* a quelque chose d’enchanteur, qui va bien au-delà de l’ordre et évoque une atmosphère, une harmonie et une vie intérieure qui font penser, même si on n’a lu aucun des livres qui y ont été écrits, que l’inspiration s'invitait souvent en ces lieux. Tout ici évoque le calme, la paix et la concentration, et donne envie de lire ce qui a été conçu à cette table. Face à celui qui y travaillait, la fenêtre ouvre sur une végétation foisonnante : le bureau d’Akira Yoshimura se trouve au fond du jardin, dans un pavillon qu’il avait fait construire "tout contre la forêt».
Et voilà que ce bureau idyllique m’évoque un autre «cabinet de verdure», que je n’ai jamais vu mais dont la description m’a souvent fait rêver: celui que mon arrière-grand-père, le Dr. Raimond Sabouraud s’était installé au fond du petit parc de sa maison de campagne à Maisons-Laffitte. C'est là qu'il passait la plus grande partie de son temps libre, pour y écrire mais aussi pour y sculpter ou y faire de la menuiserie, en écoutant sur son grammophone son cher Bach et son cher Wagner.
« Ce pavillon de jardin avait été fait pour recevoir en hiver les plantes craignant la gelée. Il était carré, de cinq mètres de côté environ et tout en bois. Je l’avais fait plâtrer à l’intérieur, et son toit à quatre pans lui donnait beaucoup d’élévation. J’avais fait une table en bois blanc, faite de pièces jointoyées, avec à droite la place pour mon encrier et mes plumes, un support pour les empêcher de salir le bois… et c’est tout.
Oui, mais la table était placée devant une fenêtre aussi longue qu’elle et qu’on relevait, comme un vasistas de grenier. Elle se soulevait toute d’une pièce, soutenue par deux crochets de fer, et alors, quand j’écrivais, j’étais presque dans le jardin, j’avais devant moi en relevant les yeux une allée ombreuse avec ses feuilles sèches tombées, et les arbres presque à portée de la main ; en levant les yeux, je voyais dans l’allée courir les mulots ».
Dr. Raimond Sabouraud « Mémoires »
*Télérama 24 juillet 2010