Jean-Philippe était un ami. Un ami et aussi un maître, dont la profonde connaissance du Yi King -le grand livre de sagesse chinois qui répond aux questions qu’on lui pose- m’a à maintes reprises aidée à progresser, à mieux comprendre certains oracles, à affiner mes interprétations. Chaque fois que j’avais un doute, je lui écrivais et il me répondait très rapidement. Tout se faisait « à l’ancienne », par la poste, car Jean-Philippe n’était pas entré dans les pratiques électroniques.
J’avais fait sa connaissance à Bruxelles, chez mes amis Beckers : Rose-Marie, qui anime un très dynamique groupe d’études autour du Yi King, et son époux Michel -peintre et dessinateur (c’est lui l’auteur de la petite tortue).
Jean-Philippe Schlumberger refusait d’être traité en sage. Peu avant son départ, dans un enregistrement sur cassette réalisé à l’hôpital, il disait encore qu’il en était bien loin. Pourtant, chaque fois que j’ai été invitée à Bruxelles en même temps que lui, j’ai été frappée par son rayonnement tranquille, par la sensation de bien-être que suscitait sa présence, alliée à la chaleureuse hospitalité des Beckers. Peut-être ce magnétisme -discret mais oh combien réel- lui venait-il de ses connaissances en télépathie, un autre domaine qu’il a étudié en profondeur et à propos duquel je n’ai malheureusement pas eu le temps de m’entretenir avec lui.
Quand la camarde est venue le chercher, il travaillait à un second livre sur le Yi King. Le premier - « Yi King- Principes, pratique et interprétation »- est un des textes de référence que quiconque s’intéresse au sujet devrait toujours avoir à portée de la main. Nous attendions tous avec beaucoup d’impatience ce second ouvrage. Nous sommes restés sur notre faim. Cher Jean-Philippe, nous nous vouvoyions de ton vivant. Mais aujourd’hui je me permets de te dire que tu me manques, que tu manques à tous tes amis, de longue date ou plus récents, et qu’un an après ton départ il est encore difficile d’admettre l’idée du never more, jamais plus. Jamais plus de séminaires bruxellois où nous venions tous écouter Jean-Philippe, jamais plus de longues conversations à la veillée, réchauffées par un alcool de noix (assez terrifiant, je dois dire) que tu apportais de ta Touraine, jamais plus de chansons de Brassens que je me plaisais tant à fredonner avec toi. Porte-toi bien, toi qui peux désormais voir les choses de haut (hexagramme 20), de très haut. Tu le sais, mais je te le rappelle tout de même: tes amis ne t’oublieront jamais.