«BIENVENUE DANS UN MONDE OU ON PEUT ÊTRE A LA FOIS ICI ET AILLEURS»
Cisco: the human network
Ce slogan, que j’ai entendu hier soir sur Fr.2 et qui m’a fait sursauter, sonne comme l’officialisation d’un réalité nouvelle, l’idée fondatrice de la civilisation technologique qui nous ouvre grands ses bras. Être en même temps ici et ailleurs est présenté comme une valeur positive, LA valeur la plus positive de toutes.
Pouvoir être dans deux, voire plusieurs endroits à la fois, cela s’appelle don d’ubiquité, un pouvoir jusqu’ici réservé à Dieu, ou aux dieux. Serions-nous en train de muter et de devenir des dieux?
Le problème, c’est qu’à vouloir être en même temps ici et ailleurs, on n’est plus ni ici, ni ailleurs. Du moins quand on est (encore) un être humain. Toutes les grandes traditions de sagesse -à commencer par l’hindouisme, le bouddhisme et la pensée chinoise- n’ont jamais cessé de nous montrer l’importance de l’attention: c’est en vivant pleinement l’instant présent, en s’imprégnant de sa richesse, en étant totalement «ici» avec son corps (perceptions), son esprit (pensées), son âme (sentiments) que l’homme peut se trouver lui-même et récupérer sa santé mentale.
Car à passer une bonne partie de son temps avec son corps ici et sa tête ailleurs, on risque tout bonnement de devenir fou. Notez que cette tendance innée de l’homme à l’éparpillement mental -et donc à la folie- ne remonte pas à hier. La «maladie mentale» des humains avait déjà été épinglée par le Bouddha, 500 ans avant notre ère. Pour aider les hommes à guérir, le Bouddha avait proposé l’Octuple Sentier, les huit remèdes à la souffrance humaine, dont la septième branche est, justement l’« Attention juste ». L’attention juste augmente les facultés de perception: elle est donc tout à fait cruciale pour arriver à la «Vue juste», c’est-à-dire à la lucidité: sortir de l’aveuglement et voir la réalité telle qu’elle est.
Il a été bien peu écouté...
Quant au human network (réseau humain) que l’on nous montre comme un sésame à tous les bonheurs terrestres, le terme aurait été popularisé par la société Cisco il y a moins d’un an. Il s’agit, selon Wikipedia, de «la structure sociale composée d’individus, d’amis, de collaborateurs ou d’autres organisations, connectés par une variété de technologies telles que PC, téléphones portables, consoles de jeux et PDA (Personal Digital Assistant, organiseur électronique comme le Blackberry)». En un mot, de toutes ces petites merveilles qui nous interrompent continuellement dans nos activités et nous font perdre le contact avec les personnes à côté de nous -ou tout simplement avec nous-mêmes- pour nous «connecter», par écran ou téléphone interposé, avec des individus qui sont physiquement éloignés.
Il y a là un très grand danger, dont peu de personnes semblent se rendre compte
Nathalie
C'est une note magnifique. C'est ma réaction à chaud. J'approfondirai plus tard.
Rédigé par : Arlev | vendredi 01 juin 2007 à 20h31
Je viens de relire ton texte, et je pense profondément que l’on ne peut pas être à deux endroits à la fois. Il me semble impossible d’être en totalité à deux endroits à la fois même en virtuel. Je m’explique: si tu parles à un interlocuteur sur une ligne vers un pays A et que d’un autre côté un autre interlocuteur dans un pays B tu n’auras pas la même façon de t’adresser au A et au B, ils n’ont pas les même coutumes ,vocabulaires, horaires. Tu ne serras pas en entier avec A ou avec B. Et donc ton impact sur lui ne serra pas le meilleur, tu ne lui accorderas pas la totalité de ton potentiel .La relation sera de moins bonne qualité et par là même le travail qui s’en suivra. Même chose pour le code de la route, parce que l' enjeu est de ne pas mettre la vie d’autrui en danger, donc de ne pas être distrait dans la conduite. Il est particulièrement dangereux de conduire tout en téléphonant, notre attention étant plus concentrée sur les paroles de notre interlocuteur que sur ce qui ce passe devant nos yeux. Nos facultés humaines ont des limites et scientifiquement parlant c’est reconnu !
Rédigé par : Maud-Isabelle Luciano | mardi 05 juin 2007 à 19h03