C’est le Dalaï Lama en personne qui a ouvert le feu : à l'occasion du 49ème anniversaire de sa fuite de Lhassa, Sa Sainteté a prononcé lundi dernier, de sa retraite indienne de Dharamsala, un discours d’une rare virulence contre le régime de Pékin et le génocide culturel qui est à l’œuvre au Tibet. Comme si le calme, la maîtrise de soi et la bonhomie légendaires de la plus grande autorité spirituelle du bouddhisme tibétain avaient cédé la place à une exaspération désormais impossible à occulter. Et c’est maintenant au tour des moines d’exprimer leur colère, cette fois-ci dans la capitale du Tibet : pour la troisième fois en quatre jours, ils sont descendus dans les rues de Lhassa et les manifestations ont dégénéré en affrontement avec les forces de l'ordre chinoises. Des incendies ont été allumés dans le cœur historique de la ville, notamment autour du célèbre monastère du Jokhang. Des témoins disent avoir entendu des coups de feu après l'intervention des autorités chinoises.
Il y a quelque chose d’inquiétant dans ces événements : non pas parce qu’ils sont illégitimes -nous savons qu’ils sont absolument justifiés- mais parce qu’ils ne cadrent ni avec l’image du bouddhisme, ni avec ses principes fondamentaux. La colère est en effet un des «actes nuisibles» identifiés par le Bouddha comme une des principales sources de la souffrance humaine.
"Bouddhistes en colère" est un oxymore (ou oxymoron) qui semble signaler que rien ne va plus, qu’une étape a été franchie, que le monde est engagé dans un processus aussi terrifiant qu’inéluctable. Il n’y a vraiment pas de quoi être optimistes.