vive la lenteur

Belle pub

Le luxe n’est pas forcément quelque chose de négatif, la publicité peut-être pédagogique. Preuve en est ce remarquable exercice de style*, publié dans Newsweek.

Le message (texte à gauche de la montre) est le suivant: "You never actually own a Patek Philippe. You merely look after it for the next generation". C'est-à-dire: "On ne possède jamais vraiment une Patek Philippe*. On peut seulement en avoir soin pour la transmettre à la prochaine génération».

Seize petits mots et une belle photo pour suggérer trois concepts de grande importance :

1-L’important n’est pas de posséder mais de pouvoir jouir des belles choses.
2-Le devoir de transmission est intrinsèque au « métier de parent »
3-Les pères ont un rôle crucial dans l’éducation des enfants, et ce rôle n’a rien à voir avec celui de la mère.

Qui dit mieux ?

*On notera par ailleurs l'extrême sobriété de la montre, aux antipodes du style bling-bling.

Une ombre, ou une méduse ?

Une méduse: voilà à quoi ressemblerait l'ensemble des données numériques qui enveloppent notre planète, (voir ci-contre), selon les travaux de milliers de chercheurs et techniciens volontaires. Une méduse avec un noyau central dense entouré d’un corps fait de cellules interconnectées, dont chacune projette à chaque instant de nouvelles tentacules.

Quoi qu’il en soit, Internet ne dort jamais et l’univers numérique est en expansion perpétuelle. Photos, vidéos, e-mails… l’homo numericus* a produit, en 2007, 281 milliards de Go (gigaoctets) de données. En 2011, cette masse devrait arriver à 1800 milliards de Go, dix fois plus qu’en 2006 : une immense ombre, ou méduse digitale, composée d'images de surveillance, d'historiques de recherches sur Internet, ou de listes de transactions financières, qui enveloppe toute la planète, nous relie les uns aux autres et… nous surveille. Si la plupart des caméras de surveillance sont encore analogiques, le nombre des caméras numériques double chaque année. Quant aux puces numériques, qui sont en train de devenir devenir omniprésentes, elles permettent de nous suivre à la trace : où que nous allions, quoi que nous faisions, nos laissons des traces digitales grâce auxquelles il est possible de connaître nos habitudes, nos mouvements, notre gestion de l’argent…

Le contrôle des données numériques est appelé à devenir un enjeu majeur dans les prochaines années. Personne ne sait vraiment où tout cela va nous mener et il faut reconnaître que bien peu ont l’air de s’en soucier.

*LeMonde.fr, 19 mars 2008

Parole de sage

«L’une des fonctions principales d’un ami consiste à subir sous une forme plus douce et symbolique, les châtiments que nous désirerions, sans le pouvoir, infliger à nos ennemis»
Aldous Huxley «Brave new world»

Pour Maud, avec toute mon affection.

Les présidents changent, les premières dames ... aussi

Il y a cinquante ans, le général de Gaulle revenait au pouvoir, et allait y rester pendant onze ans. Mais parlons plutôt de son épouse.
Elle ne s'est jamais formalisée d’être appelée Tante Yvonne… mais refusait de recevoir des divorcés à l’Élysée. Jamais, après l'élection de son mari aux plus hautes fonctions de l'État, elle n'a parlé aux journalistes, ni accordé une séance-photo (le cliché ci-contre a été pris à Londres, pendant l'Occupation). Jamais elle ne s'est fait prêter de toilettes par les grands couturiers...

Certes, en cinquante ans les mœurs ont beaucoup, énormément changé, mais il vaudrait mieux que la reine d’Angeleterre -qui recevra la semaine prochaine le couple présidentiel et n'est pas exactement née de la dernière pluie- ne vienne pas à connaissance de certains sites internet. De toute façon, Elizabeth II va devoir mettre pas mal d’eau dans son vin, et beaucoup de Schweppes dans son gin tonic: dans une interview, Carla Sarkozy a en effet déclaré qu'elle avait l'intention d’emporter sa guitare et de chanter pour Sa Majesté .

La (très belle) première dame de France se produira-t-elle habillée ou…nature?

On n'en sort pas

Vu dans Newsweek, édition du 24 mars 2008

Il a gagné !

Le discours sur les relations entre Noirs et Blancs que Barack Obama a prononcé, mardi 18 mars à Philadelphie, -à deux pas du bâtiment où la Constitution des Etats-Unis a été rédigée en 1787- n'est pas seulement devenu l'Événement -avec un grand É- de la campagne pour la candidature démocrate à la présidence des Etats-Unis: il est appelé à entrer dans l’histoire.
J’engage tous ceux qui ont une bonne connaissance de l’anglais à écouter dans son intégralité ce long discours (37 mn)* qui, partant des virulentes critiques adressées au directeur de conscience du candidat à la présidence, le pasteur Jeremiah Wright, a reparcouru toute l’histoire des Etats-Unis du point de vue des relations entre la communauté blanche, issue des immigrés européens et la communauté noire, descendante des esclaves africains.

On aimerait savoir qui est l’auteur du texte, qui mériterait -au moins- un prix Pulitzer. On sait infiniment gré à Barack Obama de l’avoir prononcé. Au-delà des arguments imparables qu’il développe, il y a de la magie dans ce discours qui, en un peu plus d’une demi-heure, a réussi à toucher Noirs, Blancs, Latinos dans ce qu’ils ont de meilleur, de plus authentique. Barack a parlé à tous les Américains, de toutes les couleurs de peau, de tous les âges et de toutes les religions, et les a touchés au plus profond de leur cœur.

À partir de maintenant, les sondages, les résultats des primaires, le nombre des délégués... tout cela passera au second plan: ce discours, que jamais personne n’a osé -ni pensé- prononcer avant lui, crée définitivement la rupture. Et pour tous les hommes et le femmes de bonne volonté, en dehors du décret des urnes en novembre, Barack a déjà gagné.

* Sur la droite de la vidéo, on peut lire le texte intégral du discours.

Nous croyons voir, et voyons si peu...

Pour les bouddhistes, l’inattention est un péché gravissime, peut-être le plus grave en absolu, car elle nous empêche de voir vraiment la réalité qui nous entoure. La recherche de la Vue juste est le but de toute existence bien menée.
La Vue Juste, c’est l’Éveil, la prise de conscience que rien de ce qui nous entoure n’a d’existence réelle. Mais avant d’atteindre ce stade, qui est celui du Bouddha, ce serait déjà bien d’apprendre à voir notre petite réalité personnelle, celle de tous les jours, que le bouddhisme appelle «réalité conventionnelle». Et donc d'exercer notre attention...

Si vous voulez vous faire une idée de vos capacités en la matière, cliquez sur le lien ci-dessous et regardez la vidéo jusqu’au bout.
Ce petit exercice n’a rien de bouddhiste (c'est mon amie Magali -pas bouddhiste pour deux ronds- qui me l'a signalé, parce que son fils Antoine le lui avait signalé, enfin bref...), mais vous verrez qu'il est bluffant.

http://www.koreus.com/video/test-visuel-compter-nombre-passes.html

Bouddhistes en colère: un oxymoron lourd de sens

C’est le Dalaï Lama en personne qui a ouvert le feu : à l'occasion du 49ème anniversaire de sa fuite de Lhassa, Sa Sainteté a prononcé lundi dernier, de sa retraite indienne de Dharamsala, un discours d’une rare virulence contre le régime de Pékin et le génocide culturel qui est à l’œuvre au Tibet. Comme si le calme, la maîtrise de soi et la bonhomie légendaires de la plus grande autorité spirituelle du bouddhisme tibétain avaient cédé la place à une exaspération désormais impossible à occulter. Et c’est maintenant au tour des moines d’exprimer leur colère, cette fois-ci dans la capitale du Tibet : pour la troisième fois en quatre jours, ils sont descendus dans les rues de Lhassa et les manifestations ont dégénéré en affrontement avec les forces de l'ordre chinoises. Des incendies ont été allumés dans le cœur historique de la ville, notamment autour du célèbre monastère du Jokhang. Des témoins disent avoir entendu des coups de feu après l'intervention des autorités chinoises.

Il y a quelque chose d’inquiétant dans ces événements : non pas parce qu’ils sont illégitimes -nous savons qu’ils sont absolument justifiés- mais parce qu’ils ne cadrent ni avec l’image du bouddhisme, ni avec ses principes fondamentaux. La colère est en effet un des «actes nuisibles» identifiés par le Bouddha comme une des principales sources de la souffrance humaine.

"Bouddhistes en colère" est un oxymore (ou oxymoron) qui semble signaler que rien ne va plus, qu’une étape a été franchie, que le monde est engagé dans un processus aussi terrifiant qu’inéluctable. Il n’y a vraiment pas de quoi être optimistes.

De qui se moque-t-on ?

À en croire LeMonde.fr d’aujourd’hui, « les prix à la consommation en France ont augmenté de 0,2 % en février par rapport au mois précédent, soit une hausse de 2,8 % sur les douze derniers mois, comme en janvier, a annoncé l'Insee mercredi 12 mars ».
On aimerait savoir comment l’Insee établit ses statistiques. Et on aimerait leur signaler que les gens n’en ont rien à faire des « prix à la consommation » toutes catégories confondues : ce qui les intéresse avant tout, c’est ce qu’ils déboursent aux caisses des supermarchés. Samedi dernier, à Nice, chez Casino, le kilo de tomates était à 3,90 €. L’année dernière les mêmes tomates, en grande surface, coûtaient -à tout casser- 1,20 €.

La ménagère de plus de 50 ans que je suis n’a jamais été forte en arithmétique pourtant elle a la nette sensation qu’on se f… de la g….. des consommateurs. Pas besoin d’avoir fait math sup pour se rendre à l’évidence: en un an, à caddy égal, les prix des produits alimentaires ont augmenté d’un bon 30%.
Et ils continuent à augmenter… Tôt ou tard, la situation va exploser. À la place de Christine Lagarde (qui, elle, a parlé d’une augmentation de 4,5% en un an), je m’inquiéterais.

Parole de sage

"Dans la mort d'un homme, un monde inconnu meurt, et je me demandais quelles étaient les images qui sombraient avec lui"

Antoine de Saint-Exupéry

Le monde, aujourd'hui

Cette magnifique photo, publiée dans le Nouvel Observateur de cette semaine, a été prise à Dubai. Elle me paraît suffisamment évocatrice pour ne pas nécessiter de commentaire. Une seule question me vient à l'esprit: laquelle des deux réalités est destinée à survivre à l'autre? Les Bédouins sur leurs chameaux, ou la civilisation en second plan? Je mise sur les Bédouins.
Et plus encore sur les chameaux.

Tintin est entré dans ma chambre...

La scène se passe à la fin des années 60, à Manhattan, dans une chambre d’hôtel trois étoiles, la nuit de Noël. La chambre se trouve au 25ème étage, ou au 37ème, ou au 54ème … très haut, de toute façon. Il est environ 1h. du matin. Dans la chambre, confortablement allongée sur un des deux lits jumeaux, une jeune fille regarde la télévision. Elle est française et fait ses études dans une université du Connecticut. Sa grand-mère est venue de Paris pour passer les vacances de Noël avec elle. La grand-mère est dans la salle d’eau, immergée dans un bain de mousse. La porte entre les deux pièces est fermée.
Elles sont allées voir une pièce de théâtre à Broadway et viennent de rentrer après un rapide repas dans une cafétéria. Trouver un taxi n’a pas été facile, à cause d’une tempête de neige d’une violence inouïe qui s’est déclenchée quand elles sortaient du théâtre. Elles sont bien contentes d’être finalement rentrées. Dehors la neige continue à tomber mais la fenêtre est hermétiquement fermée. Dans la chambre il fait bon, il fait chaud. Béatitude.
Tout d’un coup, un courant d’air glacé agresse les jambes nues de la jeune fille. Stupéfaite, elle tourne la tête vers la baie vitrée qui donne sur la rue: le voilage s'agite et... une jambe d’homme apparaît. Une jambe en jean, avec un pied chaussé de Clarks*, est en train de pénétrer dans la chambre. Ce n’est pas possible, ce doit être une hallucination: elles sont au 25ème étage (ou au 37ème ou au 54ème…) et la façade de l’hôtel est lisse, sans le moindre balcon. Tétanisée par la peur, elle arrive tout de même à crier assez fort pour se faire entendre de sa grand-mère, malgré les robinets grands ouverts dans la salle de bain et le bruit de la télévision.
- Un homme est en train d’entrer… par la fenêtre…
-Appelle la réception. N’aie pas peur, j’arrive.
Entre temps, la jambe a disparu. Mais la fenêtre est restée ouverte et la chambre est envahie par l’air froid.

Ce n’était pas une hallucination. Le directeur de l’hôtel a été alerté, il s’est confondu en excuses, on les a fait déménager à un autre étage, dans une chambre côté cour. On leur a dit que la jambe appartenait au client de la chambre à côté, un type bizarre qui était resté enfermé pendant trois jours, probablement un drogué. Mais le mystère est resté entier : comment cet homme a-t-il pu faire pour passer d’une chambre à l’autre, sur une façade lisse et en pleine tempête de neige, au 37ème étage (ou au 25ème, ou au 54ème) ? Comment a-t-il ouvert la fenêtre? Pourquoi a-t-il risqué sa vie pour entrer dans une pièce manifestement occupée? Voulait-il tuer les deux femmes? Ou violer la jeune et tuer la vieille? Voulait-il voler les bijoux de la grand-mère? Voulait-il se tuer... ou simplement fêter Noël en compagnie?

Hier, dans le magnifique hors-série du Figaro Beaux Arts Magazine, «Tintin à la découverte des grandes civilisations», j’ai trouvé la réponse à ma première question. Et j'ai revécu cette folle nuit, cette fois de l’extérieur, telle que l'a imaginée Hergé dans un album paru en 1945, plus de vingt ans avant les faits.
La façade dont s'est inspiré Hergé devait être exactement de la même époque que celle de notre hôtel car elle est identique, les fenêtres aussi. Notre aspirant visiteur avait-il lu "Tintin en Amérique"? Peut-être voulait-il mettre en pratique ce que le génial Hergé avait imaginé. Je n'ai pas vu son visage mais je sais qu'il ne portait pas de knickerbocker, mais un jean; pas de richelieux, mais des Clarks.
Ce n'était donc pas Tintin. Mais il était aussi agile que lui.

*Il s'agit du modèle maintenant appelé "Douglas D Choco". À la fin des années 60, il suffisait de dire "Clarks" et tout le mode savait de quoi il s'agissait. Pour notre génération (en Italie du moins), les Clarks on été pendant de longues années le must absolu en matière de chaussures masculines.

Donner des notes à nos médecins ?

À partir de la mi-mars, les internautes pourront noter leurs médecins sur le site note2bib.com. Selon ses concepteurs, le site devrait devenir "un observatoire de la relation humaine dans le domaine de la santé, un lieu d'échange entre les patients, un instrument d'alerte» vis-à-vis de certains professionnels de la santé définis "mandarins, notables" ou encore "intouchables praticiens".

L’idée de noter son praticien ne semble pas mauvaise à première vue, certainement plus légitime que celle d’une évaluation des professeurs par leur élèves, car il y aurait effectivement beaucoup à dire sur la façon dont les médecins se conduisent avec leurs patients.

Encore faudrait-il limiter le domaine de compétence des « noteurs » aux seuls aspects comportementaux et relationnels, comme par exemple le refus de donner des explications claires au patient, une écoute souvent défaillante etc. Il est en effet inconcevable que des non-médecins puissent évaluer les compétences professionnelles des praticiens : celui qui attribue une note doit, par définition, être un expert dans la matière qu’il note. En cas contraire, la chasse aux sorcière et l’encouragement à la délation ne sont pas loin.

Un nouveau syndrôme

Vu sur le Nouvel Obs, 28 février-4 mars 2008