J’entre dans un magasin d’objets africains, où m’accueille une dame au sourire chaleureux, arrivée depuis peu de son Burkina Faso natal (ex Haute-Volta). Je lui demande un objet de protection contre les influences nocives (j’en ai besoin ces temps-ci). Très sûre d’elle, elle me propose un collier, fait avec de petits coquillages de la famille des cyprées (porcelaines) montés sur cuir. J’ignorais que les cyprées eussent ce genre de pouvoir, mais suis tout à fait disposée à la croire: le collier est joli, il ne coûte que 10 € et je l'achète sans état d’âme.
Je lui demande ensuite une bricole pour mon fils: elle me montre des «instruments de musique» réalisés à partir de vieilles boîtes de conserves (photo ci-dessous). Le son est très agréable, surtout si on sait en jouer comme elle. Les 15€ qu’elle en demande me semblent par contre excessifs par rapport à l’objet. J’essaie en vain de marchander et finit par acheter.
Et dans l’instant qui suit, je réalise que si les Africains nous vendent parfois leur artisanat au prix fort, c’est vraiment le moins qu’ils puissent faire: un juste retour des choses, en version très édulcorée. Il n’y a pas si longtemps, c’était nous qui leur vendions notre camelote, en échange non pas de quelques billets de banque, mais de marchandise humaine. Des centaines de milliers d’hommes et de femmes payés avec des assiettes en faïence et des carafes de verre, arrachés à leur terre, jetés dans les cales de nos bateaux et transportés, serrés comme des sardines -ou imbriqués les uns dans les autres comme des cuillères- de l’autre côté de l’Atlantique. Des hommes et des femmes que nous traitions comme des bêtes et appelions, avec beaucoup de poésie, du «bois d’ébène». Les Espagnols, plus prosaïques, moins raffinés, les appelaient «sacs de charbon».
15 € pour produire de jolis sons? Moi qui croyais m’être fait rouler, j’ai tout d’un coup l’impression que c’est cadeau.
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