"Tout ce qui est inconscient est projeté" C-G Jung*
Nous passons notre vie à projeter sur les autres des problèmes qui n’ont rien à voir avec eux et ne regardent que nous. Les comportements qui nous dérangent le plus chez nos semblables sont souvent ceux qui nous obligent à nous confronter avec un aspect de nous-mêmes que nous ne voulons pas voir. C’est le très courant phénomène de la projection, bien illustré par une petite histoire qui m’a été racontée ce matin.
Toto est invité à dîner chez Tata. Ils se mettent à table avec Titi, une amie de Tata qui est là pour quelques jours. Titi et Tata ont chacune leur serviette en tissu et leur rond de serviette, mais Tata place à côté de Toto un joli petit panier plein de serviettes en papier. « Je suis capable de manger proprement » s’exclame celui-ci avec véhémence « une seule serviette me suffit ! ». Or Tata lui a mis plusieurs serviettes en papier à disposition, justement parce qu’elle les sait un peu fines et donc susceptibles de ne pas tenir jusqu’à la fin du repas.
Essayons de décoder ce minuscule épisode, aussi dérisoire que significatif. Toto a pris note que l’autre invitée a une serviette en tissu et un rond de serviette, alors que lui n’a droit qu’à des serviettes en papier: s’il avait reconnu son désappointement, il s’en serait libéré séance tenante, comprenant qu’il n’y avait eu chez la maîtresse de maison qu’un simple réflexe pratique: « Je ne viens que pour un repas, nous dînons en toute simplicité à la cuisine, pourquoi devrait-elle sortir une serviette en tissu? » Mais Toto a préféré occulter cette vilaine sensation d’inférorité qu’il ne connaît que trop bien. Refoulée dans l’inconscient, celle-ci a été projetée sur Tata : « Tata ne me donne pas l’importance que je mérite ... et elle préfère Titi ».
J'ai demandé à Tata quel âge avait Toto. Huit ans, douze ans ? Non, il en a cinquante.
*« Dialectique du Moi et de l’inconscient » (Folio Essais)
Toto se sent blessé et brouille encore un peu plus les pistes: publiquement il préfère passer pour maladroit que démuni d´amour!
Rédigé par : swallow | lundi 26 mar 2007 à 00h43
Dans un sens, Tata aurait peut être dû considérer Toto comme un invité égal à Titi... une manière de faire plaisir en disant implicitement "même si tu ne restes pas quelques jours, je te donne la serviette en tissu qui va me prendre 10s à mettre à la machine..." non? La projection n'est-elle pas dans notre cas un peu à double sens? Croire que l'autre ne va pas s'offusquer car je ne m'offusque jamais ou mieux, je m'offusque généralement sur ce genre de détails, cela dérange l'idée que je me fais de moi-même donc je fuis ce problème en la reportant sur un autre.... Un déni par projection. Quand on croit que la vie doit rester simple, les relations humaines nous rappellent souvent leur complexité! ;-)
Rédigé par : Christophe Vigliano | lundi 26 mar 2007 à 10h21
Je suis d'accord avec ce que disent Claudie et Christophe (c'est vrai, Tata aurait peut-être dû sortir une serviette en tissu, mais bon). Le fait est qu'à l'âge adulte, nos carences affectives ne devraient pas nous autoriser à l'agressivité verbale, à la provocation gratuite, aux "piques" soi-disant humoristiques qui ne font rire que celui qui les lance: ce sont des comportements infantiles (le gamin qui devient de plus en plus pénible pour attirer l'attention de sa méchante maman qui ne s'occupe pas de lui... Avec le résultat d'agacer de plus en plus la maman, qui lui donnera de moins en moins d'attention.
Il se trouve que Tata m'a raconté que Toto est un habitué de la provoc systématique (du moins avec elle), qui coupe toute vraie communication et empêche à la relation de progresser. D'où son coup de téléphone pour me narrer l'épisode de la serviette...
Rédigé par : nathaliechasseriau | lundi 26 mar 2007 à 18h06