Il ne manquerait plus que ça! De la même série que «On ne peut pas être et avoir été», cette expression est tout aussi défaitiste, et tout aussi stupide. Bien sûr qu’on se refait, à chaque instant. Tout comme les cellules de notre corps se renouvellent constamment, il faut espérer que notre esprit, notre psychisme en font de même. En cas contraire, vieillir serait quelque chose de bien triste: il suffit de s’imaginer identique à ce qu’on était à 20 ans, la décrépitude en sus...
Quand Montaigne nous dit que «le monde n’est qu’une branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse », il se réfère -sciemment ou non- en ses termes de lettré occidental du XVI° siècle, à la loi du changement qui est à la base de la pensée chinoise, ou à l’impermanence, comme l’appelle le bouddhisme. Et il continue : «Je ne peins pas l’être, je peins le passage: non pas un passage d’âge en autre ou, comme dit le peuple, de sept ans en sept ans, mais de jour en jour, de minute en minute»*.
Déclarer qu’on ne se refait pas est un bien triste constat de stagnation psychique: celui de s’être laissé vivre en répétant inlassablement les mêmes erreurs, en retombant toujours dans les mêmes pièges, sans jamais avoir pris conscience que le but d’une vie, c’est de devenir soi-même, c’est à dire «se refaire» sans arrêt, dans le but de se libérer de tous les conditionnements subis dans le passé ou hérités des générations précédentes. Et dans l’espoir, au final, d’être substantiellement différent de ce que l’on était au départ: sinon, à quoi bon vivre? Et je concluerai avec une phrase de Dominique Rolin: «Chaque moment de notre vie est un roman, on se réinvente sans cesse»
*Essais-Livre III, chap.2
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