Si beaucoup ont entendu parler du Tao, tous ne savent pas de quoi il retourne. Pour faire simple, on peut dire que le Tao est en Chine ce qui se rapproche le plus de la notion de Dieu dans les trois grandes religions monothéistes. Ce qui ne veut absolument pas dire que le Tao (ou Dao) soit le Dieu des Chinois: Dieu n’existe pas pour les Chinois. Tao est un mot chinois très courant qui signifie «aller vers»: c’est pourquoi on le traduit traditionnellement par «la Voie». L’idée de Tao implique donc, en tout premier lieu, un mouvement, un «aller vers» l’ordre naturel de la vie.
1- LE TAO N’EST PAS UNE NOTION QUE L’ON PEUT DÉFINIR
«Le Tao qu’on tente de saisir n’est pas le Tao lui-même;
le nom qu’on veut lui donner n’est pas le nom adéquat»*
Contrairement à la religion juive, qui interdit de nommer Dieu, il n’est pas «interdit» de nommer le Tao, mais dès qu’on lui donne un nom, on est déjà dans l’erreur.
* Tao Tö King (Dao De Jing)
2-LE TAO N’EST PAS UNE BÉATITUDE À PORTÉE DE LA MAIN
«La Voie étincelante paraît sombre.
La Voie qui progresse paraît reculer.
La Voie juste semble pleine d’embûche»*
Même si «être dans le Tao» -et y rester- peut être vu comme le but ultime d’une existence humaine, la Voie ne doit pas être confondue avec le paradis judéo-chrétien, ni avec le nirvana bouddhiste. L’idée centrale du Tao est le mouvement et donc la transformation: celle du ruisseau qui devient rivière puis fleuve, dont l’eau évapore et se transforme en nuages qui deviennent pluie, qui va faire monter le niveau du fleuve etc… sans jamais perdre ses qualités intrinsèques.
*Tao Tö King
3-LE TAO N’EST PAS UNE RECETTE MIRACLE
«A-t-on jamais vu quelqu’un sortir d’une maison sans passer par la porte? Comment se fait-il alors que personne ne passe par le Tao?»*
On n’applique pas le Tao, on s’efforce de le pratiquer, de s’en approcher, de le suivre comme on suivrait le courant d’une rivière qui par définition ne peut que nous amener à bon port, c’est-à-dire là où nous devons aller.
*Confucius
4- LE TAO N’EST PAS «RÉSERVÉ» À L’ESPÈCE HUMAINE
«Autrefois le Tao régnait.
L’homme suivait l’ordre de la nature.
Puis il advint une époque où le Tao fut oublié
et ce fut alors l’ère de la justice des homme»*
Les animaux, les plantes et tout ce qui existe se trouvent naturellement dans le Tao et n’ont pas besoin de faire ce retour à la source. C'est un travail que doivent faire les hommes, qui à un certain moment de leur histoire ont perdu leur pureté originelle**.
*Tao Tö King
5-LE TAO NE DOIT PAS ÊTRE CONFONDU AVEC LE TAOÏSME
«Qui va vers le Tao, le Tao l’accueille. Qui va vers le vertu, la vertu l’accueille. Qui va vers la perte, la perte l’accueille»*
Le Tao n’est pas une religion, ni une morale. Attention à ne pas faire l'amalgame entre Tao et taoïsme, un terme fourre-tout qui englobe au moins quatre notions différentes: les philosophes taoïstes; un ensemble de croyances relatives aux Immortels; une philosophie politique; la religion taoïste. Le Tao n’est pas le privilège des taoïstes, il est à la base de la pensée chinoise. Toutes écoles confondues.
*Tao Tö King
6-LE TAO NE DEMANDE PAS DE PARTICULIÈRES CAPACITÉS INTELLECTUELLES
«Pour connaître le Tao, on ne doit ni penser, ni réfléchir. Pour s’installer dans le Tao, on ne doit adopter aucune position ni s’appliquer à rien. Pour posséder le Tao, on ne doit partir de rien, ni suivre aucun chemin»*
L’intelligence et le savoir ne sont pas les outils qui nous permettront d’entrer dans le grand courant du Tao. Pour entendre la «petite musique du Tao», il faut être dans une attitude de réceptivité et d’innocence, qui ne privilégie ni ne rejette rien mais se contente d’adhérer à la nature, c’est-à-dire au «bon fonctionnement des choses». Tiens, voilà: la définition la moins erronée du Tao est probablement celle du sinologue Jean-François Billeter: le bon fonctionnement des choses.
*Tchouang Tseu (Zhuangzi)
** Cette notion de perte de l’innocence originelle évoque indiscutablement le mythe de la Genèse: Adam et Ève chassés du Paradis terrestre pour avoir commis la folie de vouloir connaître le Bien et le Mal, c’est-à-dire se substituer à Dieu.
N.B. La peinture est l'oeuvre d'un anonyme de la dynastie Song. Elle est reproduite dans "L'espace du rêve- Mille ans de peinture chinoise" de François Cheng (Phébus 1980)
Ayant observé que selon les auteurs le terme "Tao" admet des traductions différentes, et m´interrogeant sur la complexité de ce terme, j´avais noté la tentative de définition de Philippe Sollers ( une de plus!), et c´etait celle-ci:
""Le Taoïsme n´est pas une religion, mais une respiration, une position, au sens où on l´entend dans l´érotisme." Philippe Sollers.
Merci, Nathalie pour nous aider à elargir et enrichir ce concept si souvent restreint par la simple manoeuvre de traduction d´une langue à l´autre.
Rédigé par : Claudie | vendredi 15 juin 2007 à 17h04