On ne le distingue pas bien sur la photo, mais l’homme a un tiroir sur le front. Un tiroir fermé à double tour. Dans la main, il tient un immense trousseau de clés où devrait se trouver la bonne, celle qui lui permettra d’ouvrir son tiroir et de finalement venir à bout de ses problèmes. Cette statue de Gloria Friedman est intitulée «L’intouchable». Comme si l’impossibilité d’y voir clair à l’intérieur nous emprisonnait en nous-mêmes et nous éloignait des autres.
Bonne métaphore, les tiroirs. Innombrables tiroirs, encastrés les uns dans les autres comme autant de poupées russes, qui pour beaucoup resteront fermés à tout jamais: ils mourront sans rien savoir -ou si peu- des secrets de leur famille, de ses squelettes dans le placard et des souffrances parfois inouïes de leurs ascendants, d’autant plus cruelles et pernicieuses pour les générations suivantes qu'elles ont été tues.
D’autres, peut-être incités par les récents ouvrages sur la psychogénéalogie, décident de se mettre à la recherche de la -ou des- clés perdues qui pourraient un jour, qui sait, leur permettre d’élucider les mystères, dévoiler les mensonges et les libérer du carcan invisible qui entrave leur marche et parfois leur pourrit la vie.
Parcourir son arbre généalogique à la recherche des clés cachées n’a rien d’une promenade de santé: c’est une expérience qui peut être très dure mais se révèle souvent passionnante. À tel point que l’on se demande comment on a pu vivre si longtemps dans l’ignorance des vies de ceux qui nous ont précédés et sans lesquels nous ne serions jamais venus au monde.
"dévoiler les mensonges et les libérer du carcan invisible qui entrave leur marche et parfois leur pourrit la vie. "
Oui, Nathalie, mais il y a bien d´autres carcans, en plus de celui des secrets et des mensonges des ancètres.
Personnellement, celà m´oblige à relativiser ou à garder des forces pour me liberer de tant d´autres noeuds qui voudraient nous réprimer et nous atrophier: La société, la famille,la morale du moment ou de la géographie, la langue même que nous utilisons por nous exprimer,et tu en sais quelque chose, puisque toi aussi tu es bilingue.
Mon combat consiste plus, finalement, à "créer" de jeu entre tous ces liens.C´est cet espace que je travaille (et je n´oserai appeler liberté, car le mot a été bien trop ressassé pour lui faire encore recours). C´est élargir ce champ, un territoire vierge de toute soumission, accommodation.
Rédigé par : claudie | dimanche 16 déc 2007 à 12h40
Tout à fait d'accord. Chacun a ses tiroirs, qui lui sont propres et dépendent de son vécu personnel. Pour moi, les tiroirs sont avant tout d'ordre transgénérationnels, c'est l'ingrédient de base de ma soupe personnelle, et celle sur laquelle je travaille activement, notamment parle biais de l'écriture. Mais je crois sincèrement que ces tiroir-là concernent une quantité de gens (en fait, absolument tout le monde) mais que beaucoup ne sont pas conscients de traîner des valises qui leurs viennent de leur parenté, et qu'ils auraient tout intérêt à découvrir, pour pouvoir les laisser -définitivement- à la consigne.
Rédigé par : Nathalie Chassériau | dimanche 16 déc 2007 à 21h29