Parmi les utilisateurs de l’internet, deux camps antagonistes sont en train de se former. Le premier constitue l’écrasante majorité: il est formé des inconditionnels, qui n’ont ni le temps ni l’intention de s’interroger sur le bien-fondé de l’outil et de l’usage qu’ils en font. Ils sont fascinés, ils s'en servent, ils guettent les nouveautés, point barre.
Le second camp, pathétiquement clairsemé, regroupe tous ceux qui utilisent l’internet sans oublier de s’observer pendant qu’ils l’utilisent, ni de s’interroger sur les effets à moyen terme d’une pratique qui devient si facilement "addictive". Ceux-là savent que l’on peut appliquer la métaphore de la femme fatale au pouvoir qu’exercent les nouvelles technologies sur nous tous : leurs dangers intrinsèques sont proportionnels à leur capacité de séduction.
À ce propos, je viens de recevoir un mail qui reprend des extraits glanés sur le site TechCrunch en français. On s’y moque de l’écrivaine Doris Lessing, qui vient de recevoir le Prix Nobel de littérature et se permet, dans le discours écrit pour cette occasion, de dire ce qu’elle pense de l’internet :
« Nous vivons dans une culture fragmentée où les certitudes que nous avions il y a encore quelques décades sont remises en question et où il est commun de voir de jeunes femmes et de jeunes hommes qui après des années d’études, ne savent rien du monde, n’ont rien lu et dont le savoir se limite à une spécialisation ou l’autre, par exemple l’ordinateur… Comme ce fut le cas avec une autre révolution, l’invention de l’imprimerie... nous ne pensons pas à nous demander : comment nos vies, notre façon de penser, vont-elles changer avec l’internet, qui a déjà séduit une génération entière avec ses inepties, au point que des gens, hier encore raisonnables et sensés, admettent qu’ils sont devenus accros, ont du mal à décrocher et se retrouvent parfois à avoir passé une journée à bloguer ?».
L’auteur du mail, après avoir remarqué que Doris Lessing est « trop vieille pour lire le discours elle-même », ajoute :
« Les allégations de cette écrivain rejoignent les discours anti Internet d’Andrew Keen qui ne cessent de prendre un certain poids dans une société ou les élites culturelles d’autrefois voient leurs positions s’éroder un peu plus chaque jour. Il est fort probable que Andrew Keen et Doris Lessing ignorent tout du fait qu’Internet ait apporté connaissance et culture à beaucoup de personnes qui n’y avaient pas accès… Le 21° siècle sera marqué par la démocratisation de la communication et l’accès des plus petits et du nombre à l’information. Le monde évolue pour le meilleur et ces élites intellectuelles n’y pourront rien ».
Juste quelques remarques à cet optimiste :
-Doris Lessing (88ans) est peut-être trop vieille pour lire son discours (11 pages) mais il ne fait pas de doute que c’est elle qui l’a écrit.
-À propos de cet Andrew Keen que vous mettez dans le même sac que la lauréate du Prix Nobel parce qu’il ne cesse d’actionner des sonnettes d’alarme contre les dangers des nouvelles technologies : il est né en 1962, 43 ans après Doris Lessing. Il semblerait que l’esprit critique (et par conséquent l’intelligence) traverse les générations …
- Croyez-vous sérieusement que des gens qui ne disposent pas d’une bonne culture de base puissent accéder à « la connaissance et à la culture » d’internet ? Vous plaisantiez, n’est-ce pas ?
-Quant à la perle qui conclut votre petit texte « Le monde évolue pour le meilleur et ces élites intellectuelles n’y pourront rien », je n’ai rien à y ajouter, il se commente de lui-même.
Je crois effectivement que nous frisons souvent le délire dans certains blogs technos vantant les grands mérites de l'Internet... Il manque beaucoup de sagesse dans cette confrontation Intellectuels vs Internautes (c'est marrant cette même racine ! ;-)). J'ai pu vivre en direct lundi à la conférence du web3 un débat entre Keen et une autre personne dont j'ai oublié le nom... Il a su remettre les choses à leur place, malgré un peu d'agressivité, avec par exemple une réponse très à propos sur la question de l'apport de certains sites sur la confiance entre les gens... L'animateur tentait de lui faire dire quelque chose de positif en prenant en exemple les réseaux sociaux et leur système de recommandation censé remettre de la confiance dans les relations... (plus vous avez de recommandations plus on serait "sûr" de vous). La confiance entre les gens n'est certainement pas une affaire de liens Internet et les systèmes reposent sur des principes qui sont largement manipulés... L'approche générale des sujets et des idées qui animent notre monde est de plus en plus superficielle, l'Internet empire les choses. Et là, de mon point de vue, c'est vraiment dommage. Un point de plus pour le livre de Keen : le Culte de l'Amateur...
Rédigé par : Christophe Vigliano, Marketae.com | jeudi 13 déc 2007 à 09h29
J'ai lu quelque part que le blog était typiquement l'expression d'un ego masturbatoire. Du gâchis de semence donc.
Rédigé par : technomaniac | samedi 22 déc 2007 à 12h12
réponse à technomaniac (avec un petit t).
Et moi j'ai lu quelque part que ceux qui critiquent le travail des autres (qui plus est, sous pseudo, pour ne pas se mouiller) sont en général des frustrés -catégorie chère à notre Bretécher nationale- qui seraient bien incapables de pondre un blog même si l'envie leur en prenait.
Vous voilà servi pour aujourd'hui, cher technomaniac.
Rédigé par : Nathalie Chassériau | samedi 29 déc 2007 à 14h32
Qu'en savez-vous ? Voilà une belle démonstration de cette sourde volonté de mettre les gens dans des cases sans même les connaître... Ah ! Je ris ! Dieu me préserve de la frustration. J'ai bien tenu un blog fut un temps lointain, ce même temps qui m'a manqué pour le poursuivre...
Rédigé par : technomaniac | lundi 31 déc 2007 à 11h14