«J’ai trente ans et une maman qui va mal.
Je suis célibataire et sans enfant.
Mais pour rien au monde je ne changerais de vie»
Ces trois lignes concluent une très belle lettre que j’ai reçue aujourd’hui. Elle vient d’une jeune femme dont le chemin a récemment croisé le mien et qui a pour moi une double mérite: celui de me remettre en contact avec celle que j’étais à son âge et -plus important encore- celui de me faire sentir potentiellement utile.
Quel sens peut avoir la vie pour qui n’est pas en condition de transmettre ? Quel intérêt peut-il y avoir à vieillir, si l’on ne se soucie d'aider les plus jeunes à mûrir? Chacun bien sûr se construit lui-même, mais on a a besoin de poteaux indicateurs*: avec des flèches, des destinations possibles, et pour chacune une évaluation de la distance. Libre à celui qui le lit de suivre ou non ce que lui indique le poteau, mais au moins il fera son choix en connaissance de cause. C’est peut-être parce que j’ai terriblement manqué de poteaux indicateurs dans le passé que je ressens si fort la nécessité d'aider les plus jeunes à mieux voir quelles directions s’offrent à eux, et ce qu’implique le fait d’en choisir une plutôt qu'une autre.
* Cette expression, "Les poteaux indicateurs", était le titre d’un vieil épisode de la série télévisée allemande «L’inspecteur Derrick». Elle m’avait beaucoup frappée et portée à maintes réflexions. Comme quoi l’inspiration peut venir des sources les plus inattendues.
Alors voilà ce que je réponds, à chaud, à ma nouvelle amie, avant de lui envoyer une lettre personnelle: à son âge -trente ans- j’étais divorcée depuis cinq ans et j’avais un petit garçon de six ans. Et j’aurais tout donné pour changer ma vie. À la même époque un ami beaucoup plus âgé, intelligent et cultivé, avec lequel je passais un week-end à Venise, m’avait déclaré que pour moi il était beaucoup plus important de devenir moi-même que de faire le bonheur d’un homme, ou d’être heureuse avec un homme. Son propos m’avait indignée: à l’époque je me racontais que la chose la plus importante pour une femme -et donc pour moi- était de se réaliser en tant qu’épouse et que mère.
Bien sûr, c’est lui qui avait raison : sans en avoir encore la moindre conscience, j’avais déjà choisi la voie de la recherche personnelle. Je suis encore bien loin du but, plutôt au milieu du gué, mais une chose est sûre: je ne regrette rien.
Les temps ont changé et aujourd’hui beaucoup plus qu’hier il apparaît évident qu’une femme doit avant tout penser à se construire en tant qu’être autonome, avant de pouvoir songer à trouver un autre être autonome avec lequel imaginer un éventuel futur en commun.
Alors, que dit le "poteau indicateur" à la jeune voyageuse ? Que c’est en renonçant à l’idée du bonheur que l’on est susceptible de le trouver: par hasard, comme en supplément… et qu’une vie de femme bien vécue ne comporte pas obligatoirement le mariage et la maternité. Surtout pour les plus douées. Elle le sait déjà, mais la fonction du poteau est de le lui rappeler.
Et je conclurai avec une phrase d’un -très grand- poteau indicateur, l’empereur romain Marc Aurèle :
« Accepte ce qui vient à toi et qui est tissé dans la trame de ta destinée. Car quoi d’autre pourrait mieux convenir à tes besoins ? »
"un ami beaucoup plus âgé, intelligent et cultivé, avec lequel je passais un week-end à Venise, m’avait déclaré que pour moi il était beaucoup plus important de devenir moi-même que de faire le bonheur d’un homme, ou d’être heureuse avec un homme"
Ton ami avait lu Beauvoir.
Rédigé par : claudie | samedi 12 jan 2008 à 21h06
C'est probable, mais il ne l'avait pas citée. Je crois que c'est simplement en m'observant vivre qu'il avait pu faire cette (terrifiante?) prédiction. J'en avais été toute tourneboulée, moi qui continuais à croire en un avenir radieux avec "the right guy" que j'aurais certainement fini par rencontrer. Tu parles...
Ces temps-ci je rencontre des femmes vraiment intéressantes et cela me ravit (alors qu'à l'époque je crois que je tendais à sous-estimer les rencontres avec mes semblables. Faut dire que j'en tenais une couche..."
Rédigé par : Nathalie Chassériau | dimanche 13 jan 2008 à 17h18