À tous ceux qui s’intéressent aux élections américaines en général et à la personnalité de Barack Obama en particulier (et lisent l’anglais sans problème), je recommande l’article
«On his own» («Tout seul»), de
Jon Meacham, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Newsweek. Lequel -soit dit en passant- a été, comme Obama, abandonné tout jeune par son père et comme lui, a été élevé par son grand-père : des affinités électives qui ont certainement inspiré ce remarquable dossier qui mériterait, malgré quelques répétitions, d’être candidat au Pulitzer.
On y apprend que Barack a vu son père kenyan en seule occasion, lors d’un court séjour de celui-ci à Hawai (photo ci-dessus), où l’enfant alors âgé de neuf ans vivait avec ses grands-parents maternels. (Sa mère était encore en Indonésie, aux côtés de son second mari, Lolo Soetero).
Cette unique rencontre avec un père dont on lui avait toujours parlé comme d’un héros, d’un géant, fut loin d’être facile pour l’enfant. Et il semble clair que si Barack n’a pas, selon ses propres mots, « sombré dans le chaos », s’il n’est pas devenu « une âme perdue », c’est en grande partie grâce à son grand-père… qui lui aussi avait été abandonné très jeune par son père, et avait découvert, à l’âge de huit ans le corps de sa mère qui venait de se suicider…
Ce grand-père qui a dû se construire tout seul a su être pour le petit Barack un magnifique support de
résilience, c’est-à-dire une présence affective suffisamment forte pour que l’enfant puisse se développer harmonieusement malgré un grave traumatisme initial (photo ci-dessous).
Stanley Dunham -c’est son nom- aimait profondément ce petit-fils métis, qu’il emmenait partout avec lui et qu’il eut le génie de présenter, à l’adolescence, à un de ses maîtres de jeunesse,
Frank Marshall Davis, écrivain noir de renom et défenseur passionné de la cause des noirs américains. On notera, toujours en passant, que les parents de Davis avaient divorcé lorsque celui-ci avait un an: l’histoire de Barack Obama est constellée d’enfants sans père! On découvre aussi que son cas est loin d’être unique et que l’histoire des Etats-Unis abonde en présidents -ou candidats à la présidence- qui ont un problème du côté du père: ou il y a un père hyper-puissant et célèbre au centre du clan (Adams, Kennedy, Bush, Mc Cain) ou il y a un père faible, voire carrément absent. Un nombre assez considérable de présidents ont été les fils de pères absents ou défectueux (entre autres, Andrew Jackson, Bill Clinton, Gerald Ford).
Mais le grand-père et Frank Marshall Davis n’ont pas été les seules figure paternelles de remplacement dans la vie de Barack Obama. Il y a eu un beau-père -l’Indonésien Soetero, temporaire mais bienfaisant- qui lui appris, en boxant avec lui, que la vie peut être très dure et qu’il faut avant tout apprendre à se protéger.
Bref, une lecture éclairante qui confirme une fois de plus -s’il en était besoin- le rôle central du père dans la construction de l’enfant. Et qui vient, en outre et fort à propos, nous montrer que le journalisme n’est pas mort.
Bravo, bravissimo, Jon Meacham !