Revoir des amis d’adolescence après trente ans ou plus : un phénomène qui devient de plus en plus courant grâce aux sites comme Copainsdavant. Retrouver des personnes venant d’un lointain passé, c’est aller à la rencontre de l’embryon de soi-même, de ce que l’on était quand on n’était pas encore soi, tout en étant déjà soi... quand on baignait dans l’indéterminé et que l’on agissait de façon le plus souvent instinctive, sans bien savoir pourquoi, ni comment. C’est retrouver des germes -l’arbre est tout entier contenu dans la graine- qui n’avaient pas conscience d’eux-mêmes mais agissaient, grandissaient, poussés par leur incommensurable énergie et leur grande cécité. À travers les témoignages de mes vieilles camarades du lycée Paul Valéry, miraculeusement retrouvées après vint-neuf ans, à travers la lecture de mes lettres que -contrairement à moi- elles ont pieusement conservées, j'ai découvert qu'à quinze ans chacune de nous avait déjà un projet, une direction, une personnalité qui se formaient, à notre insu.
Pour retrouver quelqu’un qui vient du passé (si l’on veut que les retrouvailles aient un intérêt autre qu’anecdotique), il faudrait se présenter totalement nu et vierge de tout souvenir, de toute projection précédente. Les souvenirs sont là, mais on sait que la mémoire est subjective, chimérique, et qu’il faut l’empêcher de prendre une place qui ne lui revient pas. Le passé ne doit pas recouvrir le présent. Il faut oublier ses attentes, laisser tomber ses cuirasses, sans désir de paraître ni de séduire en aucune façon.
« Bonjour. C’est moi aujourd’hui, et toi aujourd’hui. Nous nous sommes bien connu(e)s jadis mais aujourd’hui c’est un(e) inconnu(e) que j’ai en face de moi. Un inconnu qu’un autre moi a un jour connu. À nous de voir si nous nous intéressons mutuellement, si nous sommes encore capables, après tant d’années, de nous toucher, de nous émouvoir réciproquement ; si nous avons envie de creuser, et pour quelles raisons ; si notre passé commun a vraiment un intérêt, s’il peut nous aider à mieux comprendre le présent ; si notre rencontre était ou non inscrite dans nos destins, où s’il ne s’est agi que d’un phénomène parmi tant d’autres. Et si un nouveau « nous » peut -ou non- voir le jour.
J´ai bien reconnu Mme Lichnevski sur la photo. Notre splendide et rayonnante prof de Musique, pianiste aussi, quand elle se produisait le soir en concert, en salle, à Paris, en duo, avec son mari violoniste.
Quand à nous, élèves, je nous vois comme une botte d´épis, épars, tous reliés entre eux, le fagot quelque part si serré, que les brindilles déteignent les unes sur les autres.
Mais lorsque l´attache cède, et que chacun part de son côté, une marque fossile persiste, devenant refuge des souvenirs et tremplin de retrouvailles à tous ces perdus de vue.
Rédigé par : Claudie | lundi 22 sep 2008 à 11h34
Réponse à Claudie. Oui, cette Madame Lichnevski -dont je ne me souvenais pas du tout du nom- aurait mérité, de par son physique et sa personnalité assez débordante, d'être surnommée "la Castafiore". Curieux qu'aucun de nous n'y ait pensé...peut-être était-elle trop sympathique pour être affublée d'un surnom ridicule.
Rédigé par : Nathalie Chassériau | mardi 23 sep 2008 à 14h48