Gengis Khan et ses féroces cavaliers violaient les femmes, rasaient les villages au sol et brûlaient tout ce qu’ils ne pouvaient emporter avec eux. Les Barbares venus de l’Ouest pour conquérir le continent asiatique n’en sont pas là, mais n’ont pourtant rien à leur envier en matière de pillages… Louis Vuitton vient d’ouvrir un magasin de deux étages à Oulan-Bator, capitale de la Mongolie, un des pays les plus pauvres d’Asie. "D’où vient ce prodige, quelle en est la cause ?" se serait demandé Saint-Augustin*. La réponse est simple: les vampires du capitalisme occidental ont diagnostiqué le pays en question comme un futur «petit émirat des steppes», un «Koweit de l’Asie» en puissance, grâce à ses réserves colossales de matières premières, dans des mines pratiquement à ciel ouvert. Il n’en faut pas plus pour que les vampires salivent comme des malades et courent s’implanter. En effet, tout le monde le sait (sauf Jésus, mais c'est de l'histoire ancienne), les premiers arrivés sont toujours les mieux servis.
DES YOURTES AUX EMBOUTEILLAGES : QUEL ÉPOUSTOUFLANT PROGRÈS! «Lorsque je suis venu ici pour la première fois il y a quatre ans, les chaussées étaient vides. Aujourd’hui il y a des embouteillages, des concessions de voitures japonaises et même une concession BMW. Le niveau de consommation est en train de changer à toute vitesse» déclare avec satisfaction** le PDG de Louis Vuitton-Chine. L’article annonce ensuite que «bientôt Armani et Burberry devraient rejoindre Emiliano Zegna et Louis Vuitton au rez-de-chaussée de la tour MCS sur Sukhbaatar Square» (photos ci-dessous) et note avec non moins de satisfaction que «les industriels poursuivent leur déploiement oriental sur le tracé de la grande route de la soie, vers les marchés secondaires et locaux du continent asiatique». Le Nouvel Obs consacre trois pages à l’événement et on peut le comprendre car il est sidérant. Mais le plus sidérant n'est pas le fait en soi, c’est que le même hebdomadaire qui il y a moins d'un mois encensait Claude Levi-Strauss, ne se pose pas la moindre question sur l’aspect humain de cette affolante course au profit: les conséquences d’une occidentalisation sauvage sur les peuplades des steppes, la destruction de cultures millénaires, la contamination à nos valeurs d’un continent tout entier… L’article se contente de finir avec un vœu pieux d’Yves Carcelle, PDG du groupe Louis Vuitton, qui espère seulement que la conversion des nomades de l'Asie Centrale à la consommation à l’occidentale «se passera bien»
Le plus sidérant aujourd'hui, c'est que personne ne semble plus s'étonner de rien.
* « Les confessions » VIII-10**Le Nouvel Observateur ' déc.09 "La conquête de l'Est"
Article très bien écrit et intelligent. Pour poursuivre la découverte de l'impact du capitalisme sauvage sur la Mongolie, je conseille la lecture de l'excellent "Sous les yourtes de Mongolie, Avec les Fils de la steppe" de Marc Alaux (paru chez Transboréal, un petit et vaillant éditeur que j'ai découvert par hasard il y a trois ans). www.transboreal.fr
Rédigé par : Jean-Lou Crémen | dimanche 13 déc 2009 à 06h43
Merci Jean-Lou de votre commentaire et de votre indication. Je ne manquerai pas d'aller découvrir les éditiosn Transboréal. Les "vrais" éditeurs sont si rares d nos jours...
Rédigé par : Nathalie Chassériau | lundi 14 déc 2009 à 19h58