«Sous l’action même des événements, certaines illusions commencent à se dissiper; il y a là, malgré tout, un symptôme assez favorable, l’indice d’une possibilité de redressement de la mentalité contemporaine, quelque chose qui apparaît comme une faible lueur au milieu du chaos actuel… Il existe maintenant, en Occident, un nombre plus grand qu’on ne croit d’hommes qui commencent à prendre conscience de ce qui manque à leur civilisation». René Guénon «La crise du monde moderne»
Le film-événement en 3D de James Cameron est bien plus qu’un film à grand spectacle: c’est la représentation en images de l’homme occidental tel que le décrit René Guénon dans «La crise du monde moderne», écrit en 1927. Et ce ne seront pas quelques incongruités, quelques approximations et quelques longueurs -ni même son parti-pris d’anthropomorphisme- qui enlèveront quoi que ce soit à la puissance du film et à son glaçant constat: la monstruosité de l’homo occidentalis, dont l’avidité sans limites l’a conduit au cours des siècles à s’imposer par la violence et la brutalité, détruisant sur son passage tout ce qui lui faisait obstacle.
Par le biais d’images magnifiques, Cameron évoque sans avoir l’air d’y toucher toute l’histoire coloniale. On pense en particulier à la conquête de l'Amérique Latine par les conquistadores, à coup de massacres et de contaminations bactériennes (Hernan Cortes au Mexique, Francisco Pizzarro au Pérou…). Non contents de les exterminer, les barbares venus d'Europe niaient aux autochtones le droit d’avoir une âme, alors que ceux-ci baignaient dans le sacré. «Avatar» est une métaphore extra-terrestre de la civilisation moderne, qui a perdu tout lien avec la notion de transcendance et toute forme de vraie spiritualité, ne pouvant compter (mais jusqu’à quand ?) que sur sa supériorité scientifique et technologique pour dominer le reste du monde.
Certains ont paraît-il reproché à Cameron d’être raciste, sous prétexte que les Na'vi (les indigènes du film) ont parfois des comportements d’animaux. Comment peut-on être aussi imbécile? Tout le film est au contraire un hymne à une population restée pure (et beaucoup plus intelligente que les humains bornés), qui vit en symbiose avec la nature dont elle reconnaît et vénère la puissance, dans le respect de la tradition e le culte à une Grande Déesse. Si "racisme" il y a, il ne concerne certes pas les habitants de Pandora, mais les hommes, ces horribles créatures qui arrivent du ciel et veulent conquérir d'autres planètes parce que la leur «est à l’agonie»… Et ce "racisme" là est pleinement justifié.
Et la 3D, dans tout ça ? Eh bien, la 3D est une expérience fantastique. Non seulement fantastique mais extrêmement utile, car elle permet d’attirer dans les salles un public encore plus nombreux et de l’induire, grâce à la séduction de la technologie, à une réflexion sur l’état de notre civilisation et la nécessité de se réveiller. (Numéro un au box-office dans le monde pour le 6e week-end consécutif, Avatar est d'ores et déjà le plus grand succès commercial de l'histoire du cinéma).
René Guénon, prophète de la fin de cycle que nous vivons actuellement, est mort depuis longtemps, mais cela ne doit pas l'empêcher de suivre ce qui se passe ici-bas. Et si les gains fabuleux de James Cameron le laissent probablement de glace, il doit par contre se réjouir à l'idée que certaines consciences, éveillées ou en cours d’éveil, s’efforcent avec talent de réveiller les masses endormies. Ce qui semble bien être le cas du rélisateur d'"Avatar".
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