Un an après l’élection du premier président noir de l’histoire des États-Unis, «le soufflé est retombé» et la désillusion est au rendez-vous. Mais curieusement, les critiques concernent moins les choix politiques que la personnalité du président. Qui est Barack Obama ? Voilà la grande question que se posent les Américains. Newsweek* lui reproche sa froideur, son détachement excessif et sa tendance à tout intellectualiser. Dans un autre article, le même magazine lui rappelle qu’un pays se dirige autant sur des bases émotionnelles que rationnelles**. Le Washington Post le reconnaît « compétent mais beaucoup moins magique que ne l’espéraient beaucoup d’Américains » etc…
Le problème est que les Américains n’ont pas de Boris Cyrulnik. Contrairement à nous autres Français, la notion de résilience ne leur est donc pas familière. Et si beaucoup de commentateurs américains évoquent une enfance difficile - père absent et irresponsable, éloignement de la mère, difficulté à trouver sa place en tant qu’Afro-américain dans une communauté blanche etc.- personne n’a vu que l’aspect central de la personnalité de Barack Obama est qu’il s’agit d’un résilient.
Le terme de résilience est emprunté à la physique mécanique. Il définit la capacité d'un matériau à retrouver sa forme initiale après un choc. En psychologie, il se réfère à la façon de survivre aux traumatismes et de rebondir. Comme l’explique Cyrulnik, «l’intensité de la résilience va de zéro à presque l’infini. Certaines personnes font du traumatisme le sens de leur vie. Elles métamorphosent leurs blessures en engagement idéologique, scientifique ou littéraire»***. C'est le cas de nombreux artistes, écrivains, chercheurs. On en a même vus devenir présidents des Etats-Unis, c'est tout dire…
Certains résilients développent des capacités de maîtrise exceptionnelles qui leur permettent de prendre de la distance par rapport à toutes les situations potentiellement émotionnelles. Le résilient tend à «désaffectiver» tout ce qui pourrait le faire souffrir : d’où un comportement qui peut paraître froid, voire inaccessible. En forçant un peu le trait, on peut dire que le résilient-type est émotionnellement anesthésié. Il faut aussi comprendre que le résilient sera toujours seul, même entouré d’une foule, parce que son passé -c’est à dire les circonstances au sein desquelles il a dû se construire- est radicalement différent de celui des gens qui l’entourent. Le résilient est seul parce qu’il se sent «autre», parce qu’il est «autre». Et parce qu’il sait qu’il ne sera jamais vraiment compris.
C’est pourquoi il est vain de demander à Barack Obama de devenir ce qu'il ne peut pas être, d’avoir par exemple l’empathie et la chaleur humaine d’un Ronald Reagan (souvent cité ces temps-ci). Obama continuera à être cool, au point de paraître souvent froid. Comme nous tous, il a ce qu'on appelle les défauts de ses qualités.
Commentaires