Qui a dit qu’il était facile de faire un cadeau? Les cadeaux sont une terrible source de malentendus, et d’abord dans la tête du donateur. Veut-on vraiment faire plaisir à l’autre en lui offrant ce qu’il désire vraiment? Ou ne voudrait-on pas plutôt lui montrer combien on l’aime (dans l’espoir qu’à son tour il nous aime) ? Dans la première hypothèse (le cadeau désintéressé ou cadeau altruiste), il paraît logique de sonder le destinataire pour savoir ce dont il a besoin ou ce qu’il aimerait recevoir. Impossible en effet de se mettre à la place de l’autre, pour la simple raison qu’on n’est pas lui: faire un cadeau sans avoir consulté l’intéressé revient à lui imposer son propre choix, et ce choix résulte fatalement d’une projection : combien de gens offrent ce qui leur plaît à eux, ou ce qu’ils aimeraient qu’on leur offre ! Je me souviens d’amis en instance de divorce, occupés à se partager les meubles. Le mari s’indignait parce que son épouse, qui d’après lui ne connaissait rien à la musique, insistait pour garder la chaîne stéréo… Il avait simplement oublié que c'était lui qui la lui avait offerte l’année précédente! On se demande bien à qui il avait voulu faire plaisir en achetant ce «cadeau»...
Il peut aussi y avoir de l’autoritarisme dans le cadeau-surprise, celui «auquel on a pensé», et qui est censé montrer combien on tient à l’autre, à quel point on connaît ses désirs. Offrir à une femme un vêtement ou un accessoire qu’elle n’a pas choisi revient à l’obliger à le porter même s’il ne lui va pas, ou à se déplacer pour aller l’échanger... avec, en sus, le risque de blesser le généreux donateur. Les cadeaux sont des bombes à retardement et de puissants activateurs de névroses.
Même en s’inquiétant des désirs de l’autre, il arrive de rater son coup. Adolescente, je ne savais pas tricoter mais j’étais très forte en crochet. J’avais donc offert à ma belle-mère de lui confectionner un petit haut sans manches pour la belle saison, lui demandant de choisir le point et la laine qui lui plaisaient. Je voulais être sûre de faire quelque chose qu’elle porterait (j’aurais tant voulu qu’elle m’aime !). Elle avait choisi une laine turquoise que je trouvais affreuse et tout à fait inadaptée: une couleur neutre aurait beaucoup mieux convenu au baroque «point d’éventail» qu’elle avait retenu. Mon but n'étant pas de me faire plaisir, mais de lui faire plaisir à elle, j’avais acheté les pelotes turquoise et m’étais mise au travail sans mot dire (en m'efforçant de ne pas la maudire!). Le résultat était impeccable mais d’un goût navrant: mon père s’était contenté de dire sur un ton glacial que mon petit pull était «très bien fait».
Quant à l’heureuse destinataire, elle a fourré l’objet au fond de son armoire et je ne l’ai plus jamais revu. Pas une fois elle ne l’a porté.
"Quand je fais d'autres se sentent bien dans leur peau, me dit-il," je me sens bien aussi.
Rédigé par : Cheap Air Jordan For Sale | jeudi 23 déc 2010 à 04h32