"Lorsqu'on trouve un sens aux événements de sa vie, la souffrance diminue et la santé mentale s'améliore." Victor Frankl
Mon ami Élie Guez et moi avons quelques caractéristiques en commun; nous avons le même âge, habitons la même ville, et -chose beaucoup plus importante- nous appartenons à la même catégorie humaine: celle des Suchender, comme les appelait Hermann Hesse, c’est-à-dire "ceux qui cherchent", qui sont en quête de connaissance. Quant aux façons de mener notre quête, elles diffèrent substantiellement: Élie (photo ci-contre) qui est d’origine juive, a fait sa téchouva : il est retourné à la religion de ses pères; alors que votre servante, élevée dans le catholicisme -ou du moins dans ses sacrements- n’a fait aucun retour à son obédience d’origine (ce qui ne l’empêche pas de s’intéresser de très près aux religions et, plus généralement, à toutes les traditions).
Élie anime à Nice l' Espace Sephria, un lieu de partage et d’enseignement de la sagesse hébraïque. Un de ses grands mérites est de promouvoir une discipline encore trop méconnue en France, et par ailleurs susceptible d’intéresser autant les juifs que les non juifs : la logothérapie de Victor Frankl.
La logothérapie (littéralement: aider le patient à trouver un sens à sa vie) part d'un postulat: les causes du mal-être psychique (névroses, dépression….) ne se limitent pas aux traumatismes de l’enfance et au refoulement de nos pulsions sexuelles, mais doivent être recherchées dans la perte de sens. La logothérapie élargit donc considérablement la théorie freudienne, partant du principe que l’être humain porte en lui la nécessité de comprendre ce qui lui arrive, de donner un sens et une valeur morale à son existence. Dans cette optique, l’inconscient n’est pas seulement le produit de notre libido refoulée : il y a en chacun de nous un inconscient spirituel. Telle est la géniale intuition du Dr. Victor Frankl, psychiatre et neurologue né à Vienne en 1905 et mort dans la même ville en 1997 (photo ci-dessus).
Comme ce sera plus tard le cas de Boris Cyrulnik, qui construisit sa théorie de la résilience à partir de son expérience de jeune enfant traumatisé par la Shoah, c'est son expérience personnelle de survivant des camps de concentration* -mais en tant qu’adulte- qui permit à Victor Frankl de développer cette interrogation fondamentale: comment continuer à trouver du sens à la vie quand, autour de soi, plus rien n’a de sens ? Dans des conditions aussi extrêmes, chercher un sens à la souffrance peut s’avérer le seul moyen de rester en vie. Sur de petits bouts de papier volés à ses geôliers, Frankl résista au typhus et aux privations en tous genres en réécrivant, la nuit, le manuscrit d’un livre que lui avaient confisqué les nazis à son arrivée à Auschwitz. Après sa libération en 1945, devenu directeur de la polyclinique neurologique de Vienne, il publia "Un psychologue fait l'expérience du camp de concentration" - traduit en français sous le titre "Découvrir un sens à sa vie", dont la version anglaise, "Man's search for meaning" a été vendu à plus de dix millions d'exemplaires.
Découvrir un sens à sa vie. Voilà une proposition d’une grande actualité, dans un monde d’où a disparu toute dimension spirituelle, un monde dominé par les technologies, où tout va tellement vite que la vie semble nous glisser entre les doigts, sans que nous arrivions à en déchiffrer le moindre sens. Et si nous savons encore «pour quoi» nous vivons (pour aller travailler, pour gagner de l’argent, pour nous acheter un iPhone, un iPad ou une télévision grand écran), le problème du «pourquoi», c’est-à-dire du sens même de l’existence, se pose à certains d’entre nous de façon de plus en plus pressante. Voilà «pourquoi» il peut être fort utile de découvrir la pensée de Victor Frankl, et -si le besoin s'en fait sentir- de prendre en considération la logothérapie.
*Le père de Victor Frankl, sa mère et son frère mourront en chambre à gaz; son épouse Tilly mourra d’épuisement peu après sa libération du camp de Bergen Belsen.
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