"Une activité sans bornes, de quelque nature qu’elle soit, finit toujours par faire
banqueroute"
J-W von Goethe
PROCRASTINATION: tendance pathologique à remettre systématiquement au lendemain certaines actions vécues comme contraignantes, pénibles ou ennuyeuses. Grand spécialiste de l'évitement, le procrastinateur a beaucoup de mal à se «mettre au travail» et trouve tous les prétextes possibles et imaginables pour remettre à plus tard ce qu'il est censé faire maintenant. (Si vous cliquez sur le lien, vous trouverez une très sympathique vidéo sur le sujet).
Il y a cependant un problème, et de taille : la procrastination génère la plupart du temps un sens diffus de culpabilité, voire d’anxiété. Car au fond de nous-mêmes, nous sommes tous convaincus que ne pas travailler est un péché. Cette malédiction ne date pas d’hier, elle remonte à Adam et Ève: il serait peut-être temps d’en sortir. Qui a dit qu’il fallait toujours faire quelque chose ? Et que le travail devait être obligatoirement l’occupation première et la première des préoccupations d’un être humain normalement constitué ? Voilà ce qu’en dit Henry Thoreau dans «Walden» :
«Gâcher la meilleure partie de sa vie à gagner de l’argent de façon à jouir d’une discutable liberté durant la partie la moins agréable est absurde… Se maintenir en vie sur cette terre ne serait pas pénible mais plaisant, si nous savions vivre simplement et avec sagesse. Il n’est pas nécessaire qu’un homme gagne son pain à la sueur de son front, à moins que sa transpiration ne soit beaucoup plus abondante que la mienne ».
Et toujours à propos de saines lectures sur ce sujet, je ne saurais trop recommander un tout petit livre, aussi génial que revigorant, «Le droit à la paresse» de Paul Lafargue (1881). Marxiste convaincu (et il avait de bonnes raisons pour cela, ayant épousé la fille de Karl Marx), l’auteur démontre avec beaucoup d’humour à quel point le désir de travail de la part de la classe ouvrière est une pure aliénation, et l’obsession de la production chez la classe dirigeante une folie qui porte à l’invention de besoins factices et engendre névroses et maladies de toutes sortes: non seulement chez les prolétaires mais aussi chez les pauvres bourgeois, inondés par une pléthore de produits qui les obligent à une surconsommation forcenée. En voici deux extraits pour vous mettre en appétit :
“Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis deux siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l’amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu’à l’épuisement des forces vitales de l’individu et de sa progéniture.”
Je signale pour finir le site dédié au livre "Demain c'est bien aussi", où chacun peut exprimer son éloge personnel de la paresse. "Parce que nous avons toujours une bonne raison de remettre à demain toutes les tâches que nous pourrions faire aujourd'hui, il est grand temps de montrer les aspects positifs de cette attitude", déclarent fièrement les auteurs allemands de cette étude caustique, Kathrin Passig et Sacha Lobo.
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