vive la lenteur

Où l'on voit que "zen" n'est pas un vain mot

Le mot zen  est l’équivalent japonais du caractère chinois  chan 禅, qui se réfère à la méditation assise des bouddhistes. Je ne m’étendrai pas sur les utilisations souvent ridicules que l’Occident s’obstine à  faire de ce petit vocable. Il convient par contre de s’arrêter un moment sur le comportement de la population japonaise, si cruellement touchée par une catastrophe dont personne ne peut aujourd’hui mesurer l’ampleur, ni les possibles conséquences.

Un comportement  aussi zen que l’on peut être zen, tous âges et niveaux sociaux confondus, et qui illustre de façon exemplaire ce que devrait être la conduite de tout être humain brutalement plongé dans la détresse.

Alors qu’à l’heure du dîner nous observons ces  images hallucinantes en actionnant nos mandibules, et que -n’en doutons pas-  les futurs candidats à l’élection présidentielle de 2012  planchent déjà sur les moyens d'exploiter au mieux le désastre nucléaire qui menace l’archipel, il convient de saluer comme ils le méritent ce calme, cette retenue, cette maîtrise des émotions qui n'occulte pas la douleur mais exprime plutôt le respect de soi-même et des autres... Toutes ces qualités véritablement humaines, dans le sens confucéen du terme, inspirent le plus profond respect.

«Bien sûr qu’un honnête homme peut tomber dans la détresse. Dans la détresse, seul l’homme vulgaire se laisse démonter » Entretiens de Confucius XV-2

Certes, Confucius n’était pas japonais, mais le grand sage chinois a beaucoup inspiré la culture de son petit voisin. L’admirable  dignité de ce peuple confronté à l’horreur nous en fournit, s’il était besoin, une preuve supplémentaire.

Sarkozy et les sondages, ou l'arroseur arrosé

  « L’honnête homme redoute de vivre en aval du fleuve de l’opinion publique :  toute l’ordure du monde s’y accumule ».
Entretiens de Confucius  XIX-20

Celui pour qui les sondages étaient parole d’évangile et qui ne jurait que par eux, doit se trouver aujourd'hui fort marri face aux scores de Marine... Aura-t-il seulement conscience  du ridicule de sa position? Se trouvera-t-il quelqu’un pour lui rappeler sa passion malsaine -et très coûteuse pour les caisses publiques- pour une des plus grandes aberrations de notre époque, les sondages d’opinion ? Il est permis d’en douter. Et à ce propos, voilà qu'une autre pensée de Confucius me vient soudainement à l'esprit:

« Tout le plaisir d’être roi, c’est de n’être jamais contredit. N’être pas contredit quand on est dans le bon, c’est tant mieux, mais quand on se trompe et qu’on n’a pas de contradicteurs, c’est alors qu’on pourrait presque dire qu’une seule maxime suffirait à détruire l’État ». XIII-15

Dieu du ciel, et si la maxime en question venait non pas de l'actuel président, mais de Kadhafi et du "grave secret" sur Sarkozy  que le guide suprême a menacé de révéler au monde si la France s'obstine à défendre l'opposition à son régime?

Décidément, le président a de quoi se faire du souci (nous aussi, malheureusement).

Confucius, superstar à la télévision

Elle est jeune, mignonne, avec de bonnes joues et un sourire avenant. Et surtout elle aime passionnément Confucius. En octobre dernier, une certaine Yu Dan, enseignante à l’École Normale de Pékin, a parlé de Confucius pendant sept jours d’affilée sur une chaîne de télévision à grande audience, suscitant l’enthousiasme des foules. La jeune femme est devenue célèbre du jour au lendemain et son livre «Ce que j’ai retiré des Entretiens de Confucius» se vend comme des petits pains, ainsi que tous les ouvrages comportant les mots "Entretiens de Confucius". «Comme des petits pains» à l’échelle chinoise, bien sûr: le livre de Yu Dan a été tiré à plusieurs millions d’exemplaires…
Le journaliste du magazine pékinois* qui relate cette histoire affiche un certain scepticisme quant aux connaissances de Yu Dan et à sa réelle compréhension de l’enseignement de Confucius. Mais l’important, conclut-il, c’est qu’on parle du Maître. Après avoir été la charpente de la société chinoise pendant plus de 2.000 ans, la morale confucéenne a été gommée par l’idéologie communiste, ainsi que toute la culture traditionnelle. Une approche totalement nouvelle était donc nécessaire pour que le grand public (re)découvre le grand Sage. L’interprétation tout à fait personnelle et décomplexée de Yu Dan a permis de faire revivre Confucius. Du moins, son Confucius à elle.

*Son nom est Hu Rongping, il travaille pour le bi-mensuel Zhongguo Qingnian Bao. Son article est publié dans le Courrier International (31 mai-6 juin 07)

Bernard Kouchner: confucéen sans le savoir ?

"Si, un jour, la situation devenait pour moi inacceptable, je quitterais le gouvernement." Bernard Kouchner*

Le Maître ne pourrait qu'approuver cette sage résolution:
«Le bon ministre est celui qui ne sert son prince qu’en pleine conformité avec la Voie et qui, dès que cela lui devient impossible, se retire. » Confucius

Oui, mais il y a un hic: en effet, j’ai omis de citer la seconde phrase de Kouchner : «... Pour cela, je compte sur la vigilance de mes amis». Aie, aie, aie... Pour savoir ce qui est acceptable ou non, l’honnête homme confucéen n’a qu’un seul paramètre: lui-même; une seule échelle de valeurs: la sienne. Il n’a aucun besoin d’être rappelé à l’ordre par qui que ce soit, pas même par ses meilleurs amis. Le ministre des Affaires Étrangères pourrait peut-être méditer sur cette autre phrase du Maître :

«Un honnête homme peut se laisser conduire mais pas séduire. On peut le duper mais on ne saurait lui faire quitter la Voie» Confucius

*le Monde.fr 19.05.07

Scandale à la Banque Mondiale

«L’honnête homme ne prêche rien qu’il n’ait d’abord mis en pratique» Confucius II-13

Le Monde rapporte aujourd’hui que Paul Wolfowitz, le président de la Banque Mondiale, a honteusement favorisé sa compagne Shaha Riza, également salariée de la Banque. Après avoir tout fait pour préserver le poste de la dame malgré leur relation, il lui a octroyé une augmentation de salaire exhorbitante lorsqu'elle a finalement été mutée au Département d'Etat américain : il semble que son salaire ait dépassé celui de Condoleezza Rice, Secrétaire d'État.
Le président s'étant fait dès son arrivée le héraut de la lutte contre la corruption, on comprend que les protestations au sein de la Banque Mondiale soient très vives. Et il ne fait guère de doute que Confucius aussi s'indignerait haut et fort.

« Un seul mot gâte une action »

Huit jours après l’annonce du ralliement de Simone Veil à la cause de Nicolas Sarkozy, le torchon brûle déjà entre les deux alliés. Simone Veil est une des personnalités préférées des Français et son soutien représentait une véritable aubaine pour le candidat UMP, d’autant plus qu’elle est l’ennemie jurée de François Bayrou. Las! Il a suffi d’un mot malencontreux pour que la brève idylle soit remise en question. Hier, Madame Veil n’a pas hésité à exprimer son désappointement à propos d’un des projets-phares de Sarkozy, un Ministère « de l’Immigration et de l’Identité nationale ». Elle a précisé qu’elle aurait préféré que l’on parle de ministère de « l’Intégration ».
Le choix du mot juste est crucial lorsqu’on aspire à gouverner un pays : Confucius (voir portrait ci-dessus), grand spécialiste de « bon gouvernement », ne se lasse pas de nous le répéter dans ses Entretiens: parler peu, faire la plus grand attention à ce qui sort de notre bouche... à plus forte raison si nous aspirons à gouverner les multitudes et si tout ce que nous disons est immédiatement répercuté dans toutes les chaumières du royaume.

Un défaut dans un jade blanc s’efface au polissage. Un mot placé mal à propos ne peut se reprendre » nous dit le Sage...
La Grande Étude, un magnifique texte confucéen, lui fait écho : « Un seul mot gâte une action ».
Le choix du mot « immigration » au lieu d’ « intégration » est indiscutablement lourd de sens. Immigration parle à la Droite la plus dure, intégration aurait séduit la Droite plus modérée et peut-être aussi un bon nombre centristes. Mr. Sarkozy, à n’en pas douter, savait très bien quelles cordes il aurait fait vibrer en utilisant le premier. Mais il a sous-estimé les conséquences de son choix. Suffira-t-il d'un mot pour remettre en question ses relations avec sa super-alliée? Et le résultat des élections? Suite au prochain numéro.