LA RÉPONSE DU SINOLOGUE CYRILLE J-D JAVARY
"Le film de Zhang Yimou m’a profondément attristé, il nous avait habitué à des œuvres de plus de profondeur.
Promotion touristique dites-vous, je ne suis pas sûr. En revanche promo pour les JO dont il sera le metteur en scène, ça oui. « Venez en Chine pour les JO et vous verrez comment nous sommes capables de nettoyer un stade , pardon une scène de bataille en quelques minutes pour la recouvrir instantanément de 10.000 figurants costumés et 500.000 chrysanthèmes en pot".
Vous dites plus loin : « les Chinois ont perdu la mémoire de leur passé au point de faire une erreur de cinq siècles dans la plus grosse production cinématographique de l’année... ou ils prennent les Occidentaux pour des imbéciles". À mon avis ni l’un ni l’autre. Ils savent que les étrangers ne connaissent rien à l’histoire chinoise et ils s’en moquent. En revanche ce sont les distributeurs français qui sont à vertement blâmer. Avoir donné ce titre à ce film confine à l’escroquerie. Les américains qui sont des gens plus honnêtes l’avaient titré « The curse of the golden flower » (la malédiction de la fleur d’or) ce qui après tout n’est pas si mal, bien que cela ne reflète pas non plus le titre original du film en chinois qui est 满城尽带黄金甲, « Dans toute la cité, on porte des armures dorées ». On comprend qu’un titre pareil ait rebuté les distributeurs français, mais ce n’est pas une raison. S’ils m’avaient demandé mon avis, j’aurais proposé quelque chose comme « Cléopâtre à Shaolin » ou bien « Marie-Antoinette au JO de Pékin » ! La seconde pour le côté fin de règne qui correspondrait un peu à cette période décadente entre les grands Tang et les Song ; la première évidemment pour les décolletés. À ce sujet, vous dites que vous n’avez jamais remarqué de tels décolletés dans aucune peinture ou statuette chinoise d’aucune époque. Ce n’est pas tout à fait juste. À l’époque des Tang qui fut l’âge d’or des femmes en Chine la mode était certes extravagante mais aussi fort raffinée et très sexy et les dames de l’époque dévoilaient généreusement leur poitrine. Les mingqi (statuettes funéraires) et les peintures des tombes qui nous le restituent le montrent sans conteste. Cela n’a pas duré hélas, et c’est justement à l’époque où se situe ce film qu’un empereur fadasse s’est pris de folie pour les pieds de sa concubine, funeste passion qui est à l’origine de l’horrible coutume des pieds bandés qui allaient torturer les femmes chinoises pendant un millier d’années (j’ai raconté cela dans un chapitre du « Discours de la tortue »).
EN CHINE L'ORDRE PRÉVAUT SUR TOUT... ET LES J.O LAVERONT TOUTES LES HUMILIATIONS DU PASSÉ
Il y a peut-être plus grave encore, aux yeux de gens qui, comme vous et moi aiment la Chine et les Chinois. Ce somptueux navet doré, car le film porté par une promo d’enfer a du succès, va contribuer à brouiller la perception des gens sur l’histoire ancienne chinoise, et aussi sur la Chine actuelle, car vous savez bien que là-bas, le passé est toujours au service du présent. Or si l’on mixe le titre original et le scénario, on arrive à 1) tout le monde en Chine s’enrichit mais 2) rien ne peut ébranler la force absolue du pouvoir en place, fût-il acquis de manière douteuse (l’ex de l’empereur, épousée quand il était capitaine aux frontières et répudiée quand Gong Li offrait un parti (avec un petit p) plus avantageux politiquement). L’ordre prévaut sur tout quand il apporte pour le pays honneur et prospérité dont les JO chinois seront la consécration mondiale et la revanche sur les humiliations coloniales des XIX et XX° siècle".
Cyrille Javary
Toujours à propos du réalisateur Zhang Yimou, voici en première mondiale un extrait du livre que Cyrille J-D Javary est en train de terminer pour Albin Michel, "Cent idéogrammes pour lire la Chine":
« Accrochez haut les lanternes rouges », le titre chinois du film de Zhang Yimou « Épouse et Concubines » ne faisait référence ni aux épouses ni aux concubines, mais à l’habitude du maître de maison de faire lever haut une lampe devant l’appartement de celle de ses épouses qu’il entendait honorer de sa présence.
Présenté à sa sortie (1991) comme un témoignage de la malheureuse condition des femmes chinoises, l’histoire de ces quatre épouses d’un riche marchand du début du XX° siècle stigmatisait en fait les quatre attitudes des intellectuels chinois envers le Parti Communiste : la première femme épouse le Parti et lui fait de beaux enfants, créant de belles oeuvres socialistes ; la seconde épouse le Parti mais cela la stérilise ; la troisième épouse le Parti pour en tirer des bénéfices personnels et cela la condamne à mort ; la quatrième enfin, celle qui dit la vérité et dénonce le crime est enfermée dans la folie".
Clairement, la Chine est bien en voie de continuer sur une tres mauvaise pente a tous points de vue,
droits de l'homme, ecologie, imperialisme...
combinant les pires travers de l'ideologie que l'on connait avec ceux de notre monde 'moderne',
sa taille et sa puissance ne font que demultiplier tout cela
avec la lache benediction des democraties leurres par d'illusoires apats financiers...
Apres le Tibet, a qui le tour?
Rédigé par : Jerome | jeudi 29 mar 2007 à 10h39