Cher Christophe, le problème des blogs, c’est que les notes doivent être courtes: l’internaute lambda, nous dit-on, est pressé, distrait et n’a pas envie de faire le moindre effort de lecture. D’où l’obligation de synthétiser son discours, au risque de le banaliser. Vous avez parfaitement raison de dire que les termes coach ou psy sont des mots-valises qui peuvent s’appliquer au pire comme au meilleur. Je ne me référais certes pas à un (ou plusieurs) coachs en particulier -je sais qu’il en existe de bons- mais au phénomène de mode et aux dangers potentiels qu’il peut engendrer. En fait les «coachs» peuvent s’avérer dangereux dès lors qu’ils sortent du domaine sportif ou entrepreneurial et s’improvisent psychothérapeutes sans en avoir les compétences ni l’expérience.
Bien sûr, le titre de «psy» n’est pas non plus une garantie de compétence: on sait que la législation est très floue dans ce domaine et que n’importe qui peut mettre une plaque sur sa porte et s’improviser psychothérapeute. D’ailleurs, les risques des thérapies faites au mauvais moment avec la mauvaise personne commencent à être reconnus: la semaine dernière, l’hebdomadaire Newsweek cite dans un article d’une page les résultats d’une étude de 2002: les thérapies censées aider les gens après la perte d’un être cher seraient loin d’être toujours bénéfiques; dans quatre cas sur dix, les personnes concernées ont eu plus de difficultés à faire leur «travail de deuil» que celles qui s’étaient débrouillées toutes seules*.
Il faudrait donc avant tout s’entendre sur le terme de «psy». Je ne donne personnellement crédit qu’aux psychothérapies analytiques, conduites par des thérapeutes ayant faits eux-mêmes une analyse didactique, suivie de contrôles réguliers (on parle de "supervisions") de la part de psychanalystes chevronnés. Je suis convaincue que pour obtenir de véritables changements, la thérapie doit agir sur l’inconscient et non pas sur le comportement (c’est d’ailleurs pourquoi je citais dans ma note Freud, Jung et Lacan). L’homme n’est pas une machine à réparer, il est doté d’un psychisme extrêmement complexe, estrêmement délicat: on n’est pas chez Darty -ou Renault, ou Apple**.
En aucun cas la psychanalyse ne donne de «garanties» de guérison ni même d’efficacité: le but est de faire émerger "la partie immergée de l'iceberg", c'est-à-dire de rendre conscient ce qui a toujours été inconscient. Il s'agit d'un travail de fond, qui continue bien après que la psychothérapie ne soit arrivée à son terme. Un travail qui dure toute une vie.
La psychanalyse -ou la thérapie psychanalytique, son avatar contemporain- est une expérience de connaissance de soi. Il n’est pas dit, comme vous semblez le croire, qu’on souffre tout le temps, loin de là. Mais il est vrai que changer -en profondeur, pas en surface- demande du temps et comporte de la frustration, parfois de la souffrance. Et le problème est que nous ne savons plus supporter la frustration: on ne pense qu’à satisfaire ses envies, ses pulsions, le plus efficacement et le plus rapidement possible. Tout cela n’a rien à voir avec la connaissance de soi, ni avec la connaissance tout court.
«Le monde change tellement vite », dites-vous «qu’il faut surtout apprendre à s’adapter en permanence». Oui. Ou plutôt non. S’adapter aveuglément à n’importe quel changement ne me semble pas être la bonne solution. Ce qui va se rendre de plus en plus nécessaire, c’est d’apprendre à évaluer les changements que le contexte extérieur tente de nous imposer et à discerner ceux auxquels nous pouvons adhérer et ceux que nous entendons rejeter. Voilà à mon sens un des mots-clé pour qui a l’ambition de survivre et de garder la maîtrise de lui-même en cette époque de mutation: DISCERNEMENT.
Si la fonction du coach est de nous faire faire de la gymnastique, nous aider à perdre du poids ou mettre de l’ordre dans nos placards, pourquoi pas? Mais confier son mal-être intime à un «coach» sans avoir la moindre idée de son cursus ne me semble pas une bonne idée. Avant de penser à intervenir sur le psychisme des autres, il faudrait avoir travaillé pendant de longues années sur le sien propre. Et avoir appris, entre autres, les techniques qui permettent d’éviter les projections, de gérer le transfert et aussi de se protéger d’une excessive empathie, pour éviter de se faire envahir par les problèmes des clients et ne plus rien contrôler du tout.
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