«Les morts sont invisibles mais ils ne sont pas absents» Saint Augustin
Cathy était ma petite soeur. Elle a décidé, il y a déjà bien lontemps, de quitter ce monde qui l’avait si mal accueillie, si mal aimée. Elle n’en pouvait plus de souffrir et elle s’en est allée, à seulement trente-trois ans.
Un beau jour -ou un mauvais jour, qui sait- elle avait décidé qu’elle ne s’appellerait plus Catherine, ni même Cathy, mais Érédel: un nom qu’elle s’était inventé, et qui lui convenait.
Je pense à toi, petite sirène si douée, si pleine de talents naturels qu’aucun adulte n’a été capable de reconnaître, aveugles et sourds comme ils l'étaient à nos besoins, à nos qualités, et à tes cris de détresse.
Et je publie ce poème que tu as écrit adolescente, le jour où tu as décidé de changer de prénom.
ÉRÉDEL
"Dans un monde si étrange, que devient la vie?
La vie? Et quand on y pense, pourquoi cette sphère à la manque qui fait que je suis là et que j’y reste? Pourquoi? Dis-moi!
Non ne me souris pas! Tais-toi! Ou alors... dis-moi simplement un joli mot. Je ne sais pas, moi, un joli mot! Oui, un mot joli mais qui n’existe pas. Attends!.... Un mot comme... Érédel! Oui, c’est joli Érédel!
Érédel, ça serait comme une espèce d’être qui ne serait à la fois ni un homme ni une femme. Et puis non, ça c’est trop banal!
Érédel, ça serait une espèce d’être fantastique à métamorphoses. Être à métamorphoses qui se transformerait tantôt en homme, en femme, en chien (pourquoi pas ?), en cigarette, en beauté...
Érédel! Homme, femme, chien, cigarette, beauté, je ne sais quoi encore...
Érédel, tu me fatigues. Pourquoi n’es-tu pas tout simplement restée ce mot joli, sans plus? Je sais, oui, je sais ; c’est mon esprit trop plein d’imagination qui court, qui va, qui vagabonde, qui s’arrête... et puis qui repart...
Je sais, oui je sais que dans un monde si étrange, que devient la vie?"
Catherine Chassériau, septembre 1969