«L’honnête homme est sans inquiétude et sans peur. Il ne trouve en soi nulle infirmité. Qu’est-ce qui pourrait lui causer inquiétude ou peur?» Confucius
On a de plus en plus l’impression que la mission principale des médias est d’entretenir nos peurs, ces peurs existentielles tapies en chacun de nous. Non seulement de les entretenir, mais de les cultiver, les développer, voire d’en provoquer de nouvelles, dans le cas malencontreux où nous nous serions distraits un moment, où nous aurions oublié d’avoir peur. L’insécurité, les délocalisations, la menace du terrorisme, les spectres du cancer, du sida et de la grippe aviaire, le réchauffement de la planète, la vieillesse, les OGM, les pitbulls et les rottweilers, le futur président de la République... toutes ces peurs terrestres ne nous suffisent pas? Qu’à cela ne tienne, nous savons maintenant que le vrai danger arrive du cosmos.
"20.000 météorites représentent un danger potentiel de collision avec la Terre. Le risque d’une collision entre la terre et un astéroïde assez massif pour provoquer la fin de l’humanité est extrêmement faible»* (Ouf ! On s’y croyait déjà). Ceci dit, «les astéroïdes d’un diamètre inférieur au kilomètre sont beaucoup plus nombreux, plus difficiles à détecter et représentent une menace, encore mal évaluée, peut-être sous-estimée» etc... etc... Heureusement, Pete Worden -directeur du centre de recherche Ames de la NASA- est là pour nous rassurer: le risque de périr dans une catastrophe venue du cosmos est à peu près égal à celui de mourir dans un accident d’avion, si l’on emprunte ce moyen de transport une fois par an » (Re-ouf ! Mais vous vous rendez compte qu’on paye des gens pour qu'ils passent leurs journées à faire ce genre de calculs?)
Il faut toutefois savoir que, selon de récentes estimations, l’astéroïde Apophis (du nom du dieu égyptien de la destruction) aurait une chance sur 200 de s’écraser sur la Terre. On a même fixé la date : vendredi 13 avril 2029 (vendredi 13, ben voyons). Mais pour ce faire, il devrait passer par un endroit très précis, un «trou de serrure qui inquiète les astronomes»*.
On croit rêver, et c’est d’un cauchemar qu’il s’agit: non pas celui d’être écrasé par un astéroïde, mais celui de ne plus pouvoir se libérer de la peur, constante, insidieuse et multiforme que l’on instille en nous à chaque instant. La peur qui paralyse, abêtit et porte à se soumettre à n’importe quoi, et à n’importe qui.
Le dessin de Pessin a été publié dans Le Monde 2 du 16 décembre 2006.
* Le Monde.fr 19 avril